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Le photon : la solution pour une IA ultrarapide et économe en énergie ?
Par Laurent Delattre, publié le 04 décembre 2024
Les chercheurs du MIT ont développé un processeur intégré “photonique” capable d’effectuer toutes les opérations nécessaires d’un réseau de neurones profonds (base des IA) directement sur une puce. Cette percée pourrait ouvrir la voie à des calculs deep learning et donc à des intelligences artificielles plus rapides et plus économes en énergie, notamment pour les IA traitant des flux visuels, mais pas que…
Les réseaux de neurones profonds, qui alimentent de nombreuses applications modernes d’intelligence artificielle, ont atteint une taille et une complexité qui dépassent les capacités du matériel électronique traditionnel. Un nouveau processeur photonique, basé sur une décennie de recherche, est capable de surmonter les limitations des dispositifs photoniques précédents en intégrant des opérations linéaires et non linéaires sur une seule puce, une première du genre.
Des photons plutôt que des électrons
Un processeur photonique, parfois appelé processeur optique, est une puce informatique conçue pour traiter des données numériques en utilisant des photons (portés par des signaux lumineux) plutôt que des électrons (portés par des signaux électriques). Dans de tels systèmes, les données sont converties en photons — les particules élémentaires de la lumière — par des diodes laser, puis reconverties en signaux électriques par des photodétecteurs pour leur stockage.
Les photons – selon la relativité restreinte d’Albert Einstein – sont les particules les plus rapides de l’univers. La vitesse des électrons dépend de leur énergie et du milieu traversé mais est environ dans un processeur de l’ordre de 50% de la vitesse de la lumière dans le vide. Mais il n’y a pas que la vitesse qui joue en la faveur des photons : ils permettent aussi d’accroître les bandes passantes pour véhiculer plus de données en même temps.
C’est pourquoi l’idée d’utiliser les photons plutôt que les électrons pour animer les ordinateurs est un domaine de recherche très actif. Par exemple, il y a deux ans, l’Université d’Oxford dévoilait des « nanofils » réagissant à la polarisation de la lumière et permettant de stocker de la donnée optique avec une densité extrême. La même année Intel dévoilait sa technologie d’interconnexions optiques miniatures. En juin 2024, le groupe Integrated Photonics Solutions d’Intel a dévoilé le premier chiplet d’interconnexion optique cohérente entièrement intégré. Ce composant permet d’atteindre une bande passante de 4 Tbit/s, tout en réduisant la consommation d’énergie et en augmentant la portée des communications.
Remplacer des électrons par des photons n’est pas chose aisée. Les photons sont moins aisément contrôlables. Et si l’on sait déjà manipuler des fonctions linéaires (donc des opérations mathématiques simples, comme les multiplications matricielles) avec des photons (les premiers prototypes datent de 2017 mais l’Europe a développé un tel processeur dénommé Smartlight et commercialisé par iPronics depuis la mi 2024), la recherche butait jusqu’ici sur l’utilisation de photons pour des fonctions non-linéaires qui sont essentielles pour modéliser des relations complexes et pour l’apprentissage des modèles IA.
L’IA à la vitesse de la lumière
Constitué de modules interconnectés formant un réseau de neurones optiques, le processeur réalisé par les chercheurs du MIT non seulement peut réaliser des fonctions non-linéaires optiques mais est aussi conçu pour rester dans le domaine optique durant tout le processus de calcul, jusqu’à l’étape de lecture des résultats, réduisant ainsi la consommation énergétique et améliorant la rapidité.
En outre, il est fabriqué à l’aide de procédés industriels standard. Ce qui devrait, au final, faciliter la mise à l’échelle de cette technologie et son intégration avec d’autres composants électroniques.
Lors de tests, la puce photonique a réalisé des calculs en moins d’une demi-nanoseconde avec une précision de plus de 92 %, des performances comparables à celles du matériel électronique classique. Cette puce pourrait transformer des domaines comme la télécommunication à haute vitesse, la recherche scientifique en astronomie et physique des particules, ainsi que les systèmes de navigation. En outre, la capacité de cette puce à exécuter des réseaux de neurones optiques de bout en bout, avec une latence extrêmement faible, ouvre la voie à des applications où la rapidité de calcul est essentielle.
Selon Saumil Bandyopadhyay, le principal auteur de l’étude parue dans Nature Photonics, cette avancée permet de penser à de nouvelles applications et algorithmes, car l’ensemble du réseau de neurones fonctionne maintenant en optique, et ce à l’échelle de la nanoseconde. Pour les systèmes traitant des signaux optiques, tels que ceux utilisés pour la navigation ou les télécommunications, ce processeur photonique pourrait donc offrir une solution à la fois efficace et énergétiquement sobre, ce qui s’avère déjà une nécessité au vu de l’accroissement intenable de la consommation énergétique avec les IA actuelles.
Pour en savoir plus : Single-chip photonic deep neural network with forward-only training | Nature Photonics
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