Gouvernance
Les DSI face à la crise : Guillaume Ors, DSIN de la Ville de Versailles.
Par Laurent Delattre, publié le 03 avril 2020
Poursuivre l’activité tout en maintenant des liens humains malgré le confinement général… Le numérique est la solution et les DSI sont en première ligne. Chaque semaine, IT for Business invite un DSI à témoigner. Guillaume Ors, DSIN de la Ville de Versailles et de la Communauté d’agglomération Versailles Grand Parc, répond à nos questions…
La semaine dernière, IT For Business inaugurait une nouvelle série d’interviews où DSI et responsables IT témoignent des difficultés, des succès, des trouvailles, des challenges qui font leur quotidien en cette période chaotique de pandémie de coronavirus.
Fonceur, féru de nouvelles technologies et d’innovations, Guillaume Ors a été consacré « DSI Open » de l’année 2018 par IT For Business. Le DSIN de la Ville de Versailles et de la Communauté d’agglomération Versailles Grand Parc a bien voulu répondre à nos questions et témoigner des initiatives originales mises en place par ses équipes.
Comment vivez-vous la situation actuelle ? Quelles observations pouvez-vous déjà formuler sur l’acceptation du télétravail par les collaborateurs ?
Permettre le télétravail est un effort que nous avions entamé bien avant la pandémie… Il y a bien évidemment en ce moment une pression sur la DSIN pour le maintien en condition opérationnelle, mais je constate au travers de nos tableaux de suivi, que tous les projets continuent d’avancer, que l’activité des uns et des autres est réelle et que finalement, malgré les difficultés et transformations imposées par ces changements d’habitude, ça fonctionne.
Est-ce plus facile dans le cadre d’un organisme public ?
Peu importe que l’on soit un organisme public ou une entreprise privée. Avec les bons outils, la continuité opérationnelle est possible. Les entreprises dans lesquelles ce télétravail ne fonctionne pas sont souvent celles qui n’ont pas suffisamment anticipé les besoins techniques en connexions VPN, en matériels, en outils, en bande passante. Aujourd’hui, on voit clairement la différence entre les structures qui se sont préparées au télétravail depuis plusieurs mois/années et celles qui ne s’y sont pas préparées, voire qui étaient opposées à l’idée. Et la différence d’activité en cette période est criante. Même si, bien sûr, certains secteurs sont forcément très impactés par l’absence de clients et les changements de consommation induits par le confinement.
Avez-vous mis en place des services spéciaux au sein de la DSI pour gérer la situation actuelle ?
L’IT a mis en place une idée très originale, la salle de pause virtuelle. L’idée était de conserver les fondamentaux de la pause-café informelle avec tout ce qu’elle peut avoir de spontané, de décontracté et de liens sociaux. L’objectif était ainsi de trouver un moyen de couper la monotonie des journées de confinement et de s’inscrire dans la durée parce que, dès le début, nous sentions bien que ce confinement allait s’éterniser sur plusieurs semaines. C’est une chose de télétravailler quelques jours tous les mois, et une tout autre chose de télétravailler quotidiennement.
Cette « pause-café virtuelle » cherche aussi à maintenir un lien social qui fait partie intégrante de la vie de bureau. À plus long terme, je suis convaincu que l’adoption de cette pause virtuelle permettra de fluidifier la sortie de confinement en renforçant les liens entre collègues et aura contribué à créer de nouveaux liens entre des collaborateurs qui ne prenaient pas jusqu’ici de pauses pour discuter ensemble. Il sortira du positif de cette expérience.
Comment cette salle de pause virtuelle se concrétise-t-elle ? Comment l’avez-vous réalisée ?
Le mécanisme s’appuie sur les conversations de Microsoft Teams. Nous avons créé une conversation dans laquelle tous les collaborateurs sont invités. Lorsqu’un collègue veut faire une pause, il lance un rendez-vous « faire une pause » et tous ceux qui le souhaitent peuvent alors rejoindre la salle de pause virtuelle. Au fil des jours, il s’est institué un réflexe avec une pause quotidienne vers 15H environ. Et les collaborateurs jouent le jeu et se mettent vraiment en pause. Ils se créent une ambiance particulière, quelque chose de très spécial.
Aujourd’hui, le concept a été partagé avec tous les directeurs de la ville et la direction générale. Il s’étend peu à peu aux différentes entités et l’on constate une adhésion par toutes les générations d’utilisateurs.
Dans une réunion officielle, chacun tend à être concentré, civique et à ne parler que chacun à son tour. De façon très instructive, on constate que, dans cette « salle de pause » virtuelle hébergée sous Teams – contrairement à un « apéro Skype » ou une « vidéo-conversation Zoom » -, tout le monde peut vraiment parler en même temps, un comportement très typique des Latins. Il en résulte une convivialité qui n’existe pas sous les autres formes de « visio-conversations » qui n’offrent pas d’accès concurrentiels sur la voix. Teams montre ici toute sa différence.
Beaucoup d’entreprises semblent saturer leurs ressources avec l’adoption massive des moyens de collaboration et de travail à distance. Ne rencontrez-vous pas de difficultés techniques ?
Bien avant la crise, nous avions déjà prévu que ces nouveaux usages de télétravail et de collaboration vidéo allaient engendrer des consommations de bande passante accrues. Et nous avions anticipé ces besoins en négociant âprement avec notre fournisseur de connectivité Internet. Nous ne rencontrons donc pas aujourd’hui de problème de réseau ou de problème de charge. Et si Microsoft a effectivement connu de son côté une saturation lors de la première journée de confinement, les problèmes ont depuis été résolus.
Même en matière de livraison d’équipements, nous n’avons pas rencontré de difficulté. Ce que nous avions commandé en janvier a bien été livré comme attendu en mars. Et comme nous avions du stock, nous n’avons personne en souffrance.
Pensez-vous poursuivre cette expérience de pause virtuelle dans le temps ?
Dans un premier temps, je ne pensais pas maintenir ce concept à la sortie du confinement dans la mesure où les liens humains allaient reprendre le dessus. Mais en réfléchissant, je me suis rendu compte, lors d’une de ces pauses virtuelles, que vu l’étendue du territoire versaillais, et d’une manière plus générale celle des Yvelines, nous n’étions évidemment pas tous au même endroit et que l’idée de cette salle de pause conservait du sens sur le long terme et pourrait aisément être étendue aux collectivités que nous gérons. Notre intention n’est pas de tout arrêter le jour du déconfinement mais de voir les comportements des collaborateurs et l’usage qu’ils en feront sur le long terme.