Gouvernance

“Avec le confinement, notre intimité est envahie par la sphère professionnelle et vice-versa.”

Par La rédaction, publié le 15 mai 2020

Le déconfinement a démarré très progressivement. Mais la plupart des collaborateurs des entreprises demeurent en télétravail de chez eux. La crise sanitaire et économique est toujours bien présente et les DSI sont en première ligne pour assurer la continuité d’activité et préparer la relance à venir. Depuis le début de la crise, IT For Business invite chaque vendredi l’un d’eux à témoigner. Cette semaine, c’est au tour de Jalal Boularbah, DSI de la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise de répondre à nos questions et de dévoiler comment sa direction des systèmes d’information fait face à la situation actuelle.

Grand Paris Seine & Oise (GPS&O) est la plus grande communauté urbaine de France avec quelque 405 000 habitants répartis dans 73 communes des Yvelines. C’est aussi la première collectivité locale à avoir mis 100 % de son système d’information dans le cloud. Pour Jalal Boularbah, son directeur systèmes d’information et usages numériques, ce choix s’est avéré judicieux pour gagner en résilience et surmonter la crise actuelle.

Quels dispositifs avez-vous mis en place pour assurer la continuité de service ?

Dès l’annonce du confinement, 100% des agents disposant d’un d’ordinateur professionnel – soit les trois-quarts des mille collaborateurs – ont pu être opérationnels et poursuivre leur activité en télétravail, avec un accès aux applications informatiques. Nous avions déjà une certaine maturité dans la pratique de la collaboration à distance : 10 % de nos agents pratiquent régulièrement le télétravail. La crise sanitaire nous a surtout permis d’opérer un « stress test » de notre organisation.

Jalal Boularbah, DSI de la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise

Comment avez-vous guidé les « nouveaux télétravailleurs » ?

Nous avons mené une campagne de communication interne à base de tutoriels et de courtes vidéos. GPS&O a notamment conçu une vidéo sur les bonnes pratiques en matière de collaboration à distance. Il s’agit d’adapter le canal de communication à chaque situation, entre le mail, la messagerie instantanée, la « conf call » ou la visioconférence. Pour ne pas nous éparpiller, nous avons fait le choix de n’avoir qu’un seul outil, Microsoft Teams, qui agrège ces différentes fonctionnalités. Lors de la première semaine de confinement, 1 950 réunions Teams ont été tenues. Les agents travaillant déjà avec Office 365, la prise en main a été facilitée.

La crise se doublant d’une recrudescence de cyber-attaques, la DSI a mené également des actions de sensibilisation à la cybersécurité. Au vu du contexte, l’accent a été mis sur les usages en situation de mobilité. Les agents doivent notamment se méfier des sites leurres qui reproduisent l’interface des sites administratifs ou des sites d’information sur la crise du Covid-19.

Dans la pratique, est-ce que ces bonnes pratiques de collaboration à distance sont appliquées ?

Lors d’un comité technique avec 18 participants en visioconférence, j’appréhendais que les personnes extraverties accaparent la parole au détriment des agents plus discrets. C’est le contraire qui s’est produit, la collaboration à distance a gommé ces inégalités. Pour tenir ce comité technique d’une durée d’une heure et demie, il faut de l’autodiscipline, et que chacun respecte les règles de courtoisie dans la prise de parole.

Sur le plan technique, il y a, bien sûr, des disparités de connexion à domicile. Suivant les territoires, on observe une véritable fracture numérique, même en Île-de-France. GPS&O dote toutefois ses agents d’un forfait mobile illimité en data. A défaut d’accès en très haut débit, le partage de connexion est possible.

Comment avez-vous accompagné vos utilisateurs durant la période de confinement ?

GPS&O, la plus grande communauté urbaine de France

La DSI a montré qu’elle était plus que jamais mobilisée pour accompagner les utilisateurs. Les techniciens de proximité qui interviennent habituellement sur site ont su s’adapter et faire évoluer leur métier pour assurer le support à distance. L’outil de gestion des tickets des incidents, lui, n’a pas changé. Et je pouvais, et peux toujours, autoriser une intervention physique en prenant toutes les mesures de sécurité adéquates pour préserver la santé des agents.

Durant la période de confinement strict, il fallait surtout couper court aux frustrations et être attentif au bien-être des équipes sur la durée. Il s’agissait aussi de maintenir le lien social. Tous les jours entre 13h30 et 14h, la DSI organisait une « caméra café », un moment d’échanges informels, pour prendre un café ou un thé ! Globalement, notre portefeuille projets a été maintenu. Seuls trois projets qui nécessitaient une intervention sur site de prestataires ont été reportés.

Quels enseignements tirez-vous des pratiques instituées pendant cette crise ?

« A titre personnel, j’ai opté pour une attitude résolument positive. En visioconférence, j’ai choisi en arrière-plan la plage, le soleil et les palmiers. »

Toutes les sorties de crise ont vu naître une transformation radicale. Celle-ci va marquer durablement les esprits. La généralisation du télétravail et de l’enseignement à distance a bouleversé l’organisation des collectivités locales et de l’Education nationale. Les agents qui ont gouté à ces outils ne voudront pas revenir totalement en arrière. Le numérique et la dématérialisation des processus permettent, par ailleurs, de réduire nos déplacements et donc notre empreinte carbone. C’est aussi un gage d’efficacité. Il est plus simple de monter une visioconférence que de réserver une salle de réunion et de caler les agendas des différents participants. Enfin, la situation actuelle nous humanise. Avec le confinement, notre intimité est envahie par la sphère professionnelle et vice-versa. Cela suppose de la bienveillance et un changement de posture du manager en passant d’un management de contrôle à un management de résultats.

A titre personnel, j’ai opté pour une attitude résolument positive. En visioconférence, j’ai choisi en arrière-plan la plage, le soleil et les palmiers. Mes interlocuteurs me voient toute la journée les pieds dans l’eau !

Propos recueillis par Xavier Biseul

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