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Les écosystèmes digitaux transforment le marché du B to B
Par Antoine Gourévitch, publié le 09 janvier 2019
D’une vague technologique à l’autre, la révolution digitale interroge les process, le modèle économique et jusqu’à la nature même de l’activité des entreprises. C’est le cas de l’Internet des objets (IoT) sur le marché B to B.
Son déploiement dans les usines 4.0 optimise les process de la chaîne de production, améliore le contrôle qualité et introduit la maintenance prédictive. Mais le potentiel de création de valeur de l’IoT va bien au-delà. En s’appuyant sur un écosystème élargi à des partenaires issus de l’industrie et d’autres secteurs, la technologie des objets connectés peut générer une grande quantité de données.
C’est de leur collecte, de leur analyse avancée et de leur traitement que naissent de nouveaux services à forte valeur ajoutée. Ces “produits” digitaux centrés sur les besoins du marché créent de la croissance et un avantage concurrentiel devenu crucial dans une économie où les positions sont sans cesse challengées par des acteurs disruptifs.
On le sait aujourd’hui, la force des géants du digital comme Amazon, Microsoft, Google, Facebook ou Apple repose sur leur écosystème. Leur modèle économique s’articule autour de leurs plateformes de mise en relation et de leurs puissantes places de marché. Cette maîtrise des données toujours plus nombreuses leur garantit une place dominante. Dans la nouvelle économie digitale, animer un écosystème ou y contribuer représente donc un levier de performance et une condition de survie. Il est donc essentiel de mettre le sujet dans l’agenda d’une transformation digitale. Le marché B to B n’échappe pas à cette règle, même si on ne devrait pas connaître le niveau de consolidation des plateformes observé dans le B to C. Fortement structuré autour d’industries traditionnelles parfois centenaires et organisées en oligopoles, il est en effet plus exigeant dans l’expertise des données. On assistera plutôt au développement parallèle de plusieurs écosystèmes autour de projets stratégiques impliquant le savoir-faire et les technologies d’un groupe d’acteurs ciblés.
Le principe reste le même : déplacer son modèle économique vers la monétisation de data internes et externes. Pour le B to B, la transformation ressemble à celle qu’a connue le secteur technologique dans les années 2000 pour passer d’une culture hardware à une culture de services et d’applications. La plupart des entreprises de l’industrie lourde et manufacturière mobilisent leurs ressources pour déployer des solutions digitales dans leurs usines. Elles sont plus rares à s’engager au sein d’un écosystème. Pourtant, la transformation digitale s’accélère et les moins avancées devraient, dès maintenant, définir une stratégie à plus long terme. Avec en tête, quatre étapes.
La première est un prérequis. Il est, en effet, nécessaire de disposer en interne des compétences digitales et des plateformes nécessaires à la collecte, l’intégration, l’analyse et la sécurisation de ses données. Il faut embarquer des capteurs, des processeurs et des technologies de connectivité dans les équipements et produits industriels.
Au-delà de ces investissements, l’entreprise doit adopter l’approche agile et multidisciplinaire du digital. Dans un deuxième temps, des applications se développent sur la base des données internes pour améliorer la qualité et la performance des produits, réduire les coûts et raccourcir les prises de décision. La troisième étape marque la rupture en intégrant les données produites par d’autres sources et mises à disposition au sein d’un écosystème.
Cette monétisation des data externes accroît de façon significative les revenus et la rentabilité de l’activité B to B. Selon nos observations, les marges nettes peuvent ainsi atteindre 15 à 25 %. Les entreprises ont pu étoffer et élargir leur offre de services, se sont différenciées en développant des applications pointues autour de l’intelligence artificielle ou encore ont investi de nouveaux marchés.
Reste une étape clé : identifier des opportunités stratégiques. Ces choix détermineront la place de l’entreprise dans le modèle gagnant-gagnant d’un écosystème. En tant que contributeur ou en tant qu’animateur.
Par Antoine Gourévitch, directeur associé senior, BCG