Cigref Migration Cloud : le point d'étape 2024

Cloud

L’évolution des stratégies Cloud en France selon les entreprises du Cigref

Par Laurent Delattre, publié le 28 novembre 2024

Le Cigref n’avait plus rien publié sur l’adoption du Cloud et les transformations numériques induites depuis 2022. Il vient de publier un point d’étape indiquant un net fléchissement des approches 100% Cloud au profit d’approches plus hybrides mais surtout plus multicloud.

La nouvelle étude du Cigref – qui se veut un point d’étape avant un rapport plus exhaustif – révèle une évolution significative dans la maturité des approches et la sophistication des stratégies déployées par les grandes organisations françaises. Cette analyse, enrichie par les retours d’expérience d’acteurs majeurs comme Air France-KLM, TotalEnergies et Amadeus, dévoile une réalité complexe où les promesses initiales du cloud se confrontent aux exigences opérationnelles.

Le ton est donné dès l’introduction : « La migration vers le cloud est bien plus qu’une simple évolution technologique. Elle représente un changement fondamental dans la manière dont les entreprises envisagent l’hébergement, la gestion des données et l’exécution des services numériques. Cette transformation, portée par des promesses d’agilité, de flexibilité et de réduction des coûts, bouleverse des modèles d’exploitation en place depuis des décennies. Cependant, si le discours dominant tend à célébrer le cloud comme une solution universelle, la réalité est souvent plus nuancée. »

Et ce point d’étape s’attache justement à dénombrer et pointer ces nuances…

Le rapport rappelle ainsi que la migration vers le cloud a débuté pour la plupart des organisations entre 2017 et 2023 mais qu’un écart entre les promesses initiales (flexibilité, réduction des coûts time-to-market) et la réalité a été constaté par la plupart des acteurs induisant des évolutions dans leurs stratégies de migration.

La transformation des paradigmes techniques

Typiquement, l’abandon progressif des approches simplistes de type “lift & shift” marque un tournant décisif dans la compréhension des enjeux cloud. Les organisations privilégient désormais des stratégies de transformation plus sophistiquées, articulées autour du replatforming et du refactoring. Cette évolution témoigne d’une maturation significative des pratiques, où la valeur ajoutée prime sur la simple translation d’infrastructure.

Les résultats observés confirment la pertinence de cette approche réfléchie. La Coopérative U rapporte une amélioration spectaculaire de ses performances, avec des temps de traitement réduits de façon exponentielle. Ces gains de performance s’accompagnent d’une amélioration notable de la résilience des systèmes et d’une plus grande agilité opérationnelle.

L’émergence stratégique du multicloud

La tendance au multicloud s’affirme comme une réponse pragmatique aux besoins diversifiés des organisations. Environ 40 % des organisations adoptent cette stratégie pour diversifier les fournisseurs et donc atténuer les risques de Lock-In, de dépendance technologique et de défaillance. Air France-KLM illustre parfaitement cette approche en combinant Azure pour ses applications transactionnelles et Google Cloud Platform pour ses besoins analytiques et reporting. Cette stratégie différenciée lui permet d’optimiser les ressources tout en minimisant les risques de dépendance excessive envers un unique fournisseur.

La dimension financière et organisationnelle

L’optimisation financière émerge comme un axe majeur de la transformation cloud. L’adoption généralisée des pratiques FinOps témoigne d’une maturité croissante dans la gestion des coûts. Une gestion rigoureuse est essentielle pour réaliser les bénéfices attendus. Des réductions significatives des dépenses cloud, atteignant 15% sur les factures Azure, démontrent l’efficacité d’approches structurées combinant des outils technologiques avancés et des pratiques de gestion optimisée :

* Analyse approfondie des usages : grâce à des tableaux de bord et des outils analytiques, les entreprises identifient les services redondants ou inutilisés.
Mise en place de politiques d’achat adaptées : comme l’utilisation de réservations ou d’instances prépayées pour bénéficier de tarifs réduits.
Suivi régulier : des comités internes, souvent en collaboration avec des experts externes, permettent de suivre et d’optimiser les dépenses.

Néanmoins, trois défis demeurent et rendent ces optimisations difficiles :

* La Complexité des offres cloud liée à la diversité des services proposés par les fournisseurs rend difficile une prévision précise des coûts.
* La Gestion du multicloud complexifie encore un plus la coordination des efforts FinOps d’autant que les optimisations d’un cloud ne sont pas toujours les mêmes chez son concurrent.
* Le manque de formation implique que toutes les équipes ne sont pas encore sensibilisées aux enjeux et aux techniques d’optimisation.

Ce dernier point est d’ailleurs un vrai levier d’action. Les organisations tendent désormais à investir lourdement sur la transformation des compétences et la formation, développant des programmes complets pour accompagner leurs collaborateurs. Cette évolution des compétences s’accompagne d’une transformation profonde des modes de travail, avec l’émergence d’équipes pluridisciplinaires et l’adoption de pratiques DevOps avancées. Les « Cloud Centers of Excellence » tendent aussi à se multiplier au sein des grandes entreprises pour renforcer les compétences internes et la diffusion des savoirs.

Les enjeux réglementaires comme catalyseurs

Le contexte réglementaire européen en évolution constante, notamment avec la Loi SREN, le Data Act et le Digital Market Act, influence significativement les stratégies de migration. « Ces enjeux de régulation sont désormais au cœur de la migration cloud, s’ajoutant aux enjeux technologiques et financiers » explique le CIGREF.   

« Selon les organisations, le caractère technique et évolutif des régulations (autour de la donnée par exemple) conduit à un manque de lisibilité et l’une des questions fréquemment posées lors des migrations est de savoir ce qui peut ou ne peut pas être migré d’un point de vue légal » note par ailleurs le CIGREF.

Néanmoins, les responsables du CIGREF invitent les DSI et directions du numérique à considérer que ces contraintes réglementaires, loin d’être de simples obstacles, comme des catalyseurs d’innovation, poussant les entreprises à repenser leurs architectures et leurs approches de la sécurité des données.

Perspectives et évolutions futures

L’analyse du Cigref suggère une évolution vers des approches encore plus sophistiquées, intégrant notamment l’intelligence artificielle comme composante stratégique de la transformation cloud. Cette tendance s’accompagne d’une attention accrue portée à la gouvernance des données et à l’optimisation continue des infrastructures.

Pour l’organisation, les DSI auront donc à poursuivre leurs efforts pour que le cloud se déploie au mieux au sein de leurs organisations, en mettant en place toutes les ressources nécessaires en termes de pédagogie, de formation, et d’accompagnement.

La migration cloud apparaît ainsi comme une transformation fondamentale, dépassant largement le cadre technologique pour toucher l’ensemble des dimensions de l’entreprise. Cette mutation profonde exige une vision stratégique claire, une excellence opérationnelle soutenue et une capacité d’adaptation continue aux évolutions technologiques et réglementaires.


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