Data / IA
IA générative en entreprise : il y a urgence à prendre son temps
Par Thierry Derouet, publié le 30 juin 2023
L’IA générative traverse le « Hype Cycle » de Gartner à une vitesse effrénée. Il appartient aux entreprises de déterminer si elles se trouvent entre la « désillusion » et le « développement éclairé ».
L’IA générative et ses LLM’s suscitent de grandes attentes et un engouement considérable. Didier Girard, l’un des dirigeants du cabinet SFEIR, rencontré lors de la conférence « Google Cloud Summit France », confirme que cette technologie a été adoptée « à une vitesse stupéfiante ». Cependant, il préconise une approche prudente en entreprise, recommandant « d’interdire les IA génératives grand public » comme Bard ou ChatGPT, pour « passer à des IA génératives privées ». La protection contre les fuites de données hors de l’entreprise et l’acculturation de tous les utilisateurs sont, selon lui, les deux raisons qui justifient cette approche. Car justement côté salariés, les comportements varient entre les utilisateurs occasionnels, les développeurs sceptiques qui se méfient de la génération automatique de code et le phénomène de la « Shadow IA ». Il est donc impératif d’avoir une position claire au sein de l’entreprise sur les bonnes pratiques à adopter.
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Hallucinations et acculturation
Jean Laborde, directeur du digital et CDO du groupe Fnac Darty, voit un potentiel incroyable avec trois attentes identifiées : améliorer la productivité des employés, la qualité de l’offre et l’interaction avec les clients. Par exemple, il envisage d’avoir la capacité de répondre à toute heure grâce à un chatbot aux demandes clients. Cependant, notre CDO souligne qu’il « faut être prudent face aux dérives possibles ». Actuellement, au sein de son entité, l’IA générative est utilisée « pour produire des contenus, améliorer les fiches produits, mais toujours sous supervision humaine ». La tâche n’est pas simple, car comme le précise notre interlocuteur, « nous avons plus de 20 millions de fiches ». Le travail d’amélioration pour filtrer et améliorer les fiches produits a déjà commencé depuis près de trois ans grâce au service BigQuery de Google, avec une forte mobilisation de ses équipes pour vérifier la pertinence des informations. Si le recours à l’IA générative est bien envisagé pour améliorer la relation client et pour refondre la recherche interne, ce n’est pas pour tout de suite. Car la préoccupation actuelle est de « maîtriser la proposition de valeur de l’outil ».
L’IA générative, une aide précieuse…
Elodie Perthuisot, directrice exécutive E-Commerce, Data et transformation digitale chez Carrefour, admet qu’elle ne sait pas encore comment l’IA générative va véritablement transformer son entreprise : « Nous ne nous préoccupons pas de l’IA générative. Mon métier, c’est de vendre des pommes de terre. Cependant, j’ai réalisé le lien entre la vente de pommes de terre et l’IA il y a quelques années. Les consommateurs sont prévisibles. Cependant, les clients n’achètent pas simplement des pommes de terre. Leur préoccupation, c’est de cuisiner avec un budget limité. » C’est là que, selon Elodie Perthuisot, l’IA apporte enfin une réponse pertinente.
…qui cherche encore sa justification économique
Cependant, Elodie Perthuisot pose une question simple : « Nous devons vendre 10 kilogrammes de pommes de terre pour réaliser moins d’un euro de marge. Mais combien de kilos de pommes de terre devons-nous vendre pour couvrir les frais de Google Cloud ? Évidemment, c’est beaucoup ! Nous devons opérer à grande échelle et optimiser le recours à l’IA à cette même échelle, sinon c’est un désastre dans notre industrie. »
Pourtant, ni chez Carrefour, ni chez Fnac Darty, on ne remet en cause la pertinence du partenariat technologique avec Google. C’est même tout le contraire. Les multiples cas d’usage démontrés ici et là, montrant ce que les IA génératives peuvent apporter aux entreprises, semblent de plus en plus pertinents. Toutefois, la question du retour sur investissement doit être posée.
Pour l’instant, le grand gagnant de l’IA générative est Microsoft, avec une valorisation boursière qui récompense l’audace d’avoir été le premier à s’engager avec OpenAI. Mais entre la « désillusion » et le « développement éclairé », nos entreprises restent hésitantes. À suivre…
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