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L’illectronisme touche encore 17% de la population française
Par Laurent Delattre, publié le 27 novembre 2019
Les DSI ne peuvent ignorer une fracture numérique réelle qui interdit l’accès aux services de leur entreprise à toute une part importante de la population. L’étude publiée par l’INSEE en trace un portrait pour comprendre qui sont ces exclus du numérique, pourquoi et leur nombre…
« Savoir utiliser les ressources numériques courantes (Internet, traitement de texte…) est devenu presque aussi indispensable que savoir lire, écrire et compter. Ne pas avoir accès à Internet ou ne pas savoir utiliser les outils numériques représente donc un réel handicap, notamment pour effectuer des démarches administratives ou encore accéder aux services publics, pouvant accroître la vulnérabilité sociale de populations potentiellement déjà fragiles » estime l’INSEE dans sa dernière étude sur les usages des nouvelles technologies en France publiée début novembre. Or, comme le souligne l’institut national de la statistique, 12% des Français (hors Mayotte) ne disposent d’aucun accès à Internet à domicile et même si ce taux a fortement chuté au cours des dix dernières années, les inégalités persistent.
Une fracture numérique reflet d’une fracture sociale
Face aux outils numériques, il vaut mieux être jeune, riche et avoir une famille nombreuse que l’inverse. La fracture sociale est réelle : si seulement 2,3% des Français de 15-29 ans ou encore 3,6% des 30-44 ans n’ont pas d’équipement Internet, 53,2% des personnes âgées de 75 ans ou plus ne sont pas équipées. De la même façon, seulement 2,8% des 15-44 ans n’ont pas utilisé Internet durant l’année qui vient de s’écouler contre 64,2% chez les 75 ans et plus.
Toutefois, l’âge n’est pas le seul facteur clivant : plus d’un tiers (34,1%) des personnes sans diplôme ou titulaires d’un certificat d’études primaires (CEP) n’ont pas d’équipement pour accéder à Internet et 41% n’ont pas utilisé Internet, contre respectivement 2, 5% et 3% chez les Français ayant fait des études supérieures.
Enfin, l’étude montre également que le type de ménage est aussi clivant, les personnes seules et les couples sans enfant sont nettement moins équipés et qu’on trouve plus « d’illectronisme » chez les agriculteurs ou encore chez les retraités et les chômeurs.
Les disparités géographiques, en revanche, ne constituent plus aujourd’hui un facteur réellement différenciant : « Bien qu’il existe des zones blanches ou mal couvertes en téléphonie mobile et d’autres où l’offre Internet filaire est déficiente, les disparités territoriales révélées par l’enquête sont modestes », précise l’étude.
Parmi les raisons qui expliquent le manque d’appétence pour les technologies numériques dans des franges entières de la population, l’absence de compétence arrive en premier (41%), suivie par le coût, qu’il soit matériel (32%) ou lié à l’abonnement (27%).
Un manque de compétences flagrant chez plus d’un tiers de la population
Au-delà du taux d’équipement et d’usage, il apparait aussi qu’il manque au moins une des quatre compétences numériques de base sur l’échelle mise en place par Eurostat à 38% des Français.
Dit autrement, une personne sur quatre ne sait pas s’informer et une sur cinq est incapable de communiquer via Internet. De la même façon, parmi les usagers d’Internet, 33 % ne sont pas en mesure de se renseigner sur des produits et services et 49 % de rechercher des informations administratives.
Ils seraient également 14% à n’avoir ni envoyé ni lu de courriels ou encore 54% à ne pas savoir utilisé les réseaux sociaux sans oublier les 35% d’usagers d’Internet qui avouent ne pas savoir utiliser des logiciels comme un traitement de texte, compétence pourtant indispensable dans la vie courante pour, par exemple, rédiger un CV ou une lettre de motivation. Enfin, 2% des usagers d’Internet manqueraient totalement de compétences numériques. « Si l’on ajoute les non-usagers, 17 % de la population se trouve en situation d’illectronisme », soulignent Stéphane Legleye et Annaïck Rolland de la division Conditions de vie des ménages de l’Insee.
Là encore, le profil des personnes concernées par le manque de compétences est à l’image du reste de l’étude : les Français âgés, peu diplômés, de niveau modeste et vivant seul ou en couple sans enfant sont les plus touchés.
La France dans la moyenne européenne
Aussi effrayants que puissent être ces chiffres à l’heure où le gouvernement a rendu certaines démarches numériques obligatoires, telles que la déclaration des revenus en ligne, il faut noter que la France est dans la moyenne européenne d’après l’INSEE.
D’après la dernière étude basée sur des chiffres de 2017, le Luxembourg, l’Islande et les Pays-Bas arrivent en tête au classement des pays les plus avancés sur le sujet. À l’inverse, les pays de l’Est (Roumanie, Bulgarie ou encore Kosovo) ferment la marche.
Avec 43 % des individus de 16 à 74 ans (tranche d’âge commune à toutes les enquêtes européennes) ayant un score global de capacité numérique nulle ou faible sur les quatre domaines identifiés par Eurostat (recherche d’information, communication, résolution de problèmes et usage des logiciels), la France se classe au 19ème rang des pays européens. Selon l’INSEE, ce classement est aussi le reflet du niveau de développement économique des pays, de leur pyramide des âges, de leur densité de population et de l’hétérogénéité de leur territoire.