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L’intelligence artificielle et le big data aideront à vaincre le Sida

Par La rédaction, publié le 08 juillet 2013

En utilisant PhyloD, disponible en open source, les chercheurs commencent à identifier les mutations du virus à travers de larges populations de patients, et à en comprendre les règles complexes de mutations.

En 1950, Alan Turing, l’un des pères fondateurs de l’informatique à qui nous rendions hommage, il y a un an, à l’occasion du centenaire de l’anniversaire de sa naissance, posa la question de l’intelligence des machines : “ I propose to consider the question Can machines think ? ” Il envisagea également l’idée que les machines puissent apprendre : “ The idea of a learning machine may appear paradoxical to some readers. ” Cette pensée a fait son chemin. Depuis plus d’un demi-siècle, les chercheurs en intelligence artificielle explorent les capacités à programmer des machines dans ce but.

Mais qu’est-ce donc qu’apprendre ? En sciences cognitives, il s’agit d’améliorer ses performances lors de l’exercice d’une activité en interagissant avec son environnement. C’est ainsi qu’un enfant apprend à parler en écoutant ses parents. Mais c’est aussi savoir généraliser de manière rationnelle. Comme on le fait lors de l’apprentissage par induction, qui consiste à créer une loi à partir d’observations nous permettant, par exemple, de l’appliquer à des cas non encore rencontrés. Avec toutefois certaines limites.

Ainsi le syllogisme inductif bien connu : “ La vache est un mammifère ; la vache produit du lait ; donc tous les mammifères produisent du lait ”…Le machine learning (ou apprentissage automatique, en français) constitue un des champs de l’intelligence artificielle. Il se focalise sur le développement de méthodes automatisables qui autorisent une machine à évoluer grâce à un processus d’apprentissage. Ce dernier a pour objectif d’effectuer des tâches qu’il serait difficile, voire impossible, de remplir par des moyens algorithmiques plus classiques.

Jusqu’aux années 90, l’apprentissage automatique, utilisé notamment pour reconnaître des caractères ou des images, s’appuyait sur un modèle dit génératif de ce qu’il fallait reconnaître. Ce n’est qu’après 1995, avec la parution de l’ouvrage fondateur du mathématicien et informaticien Vladimir Vapnik, que la théorie statistique de l’apprentissage a véritablement pris son essor.

Dans ce contexte, on dispose d’un modèle, d’une façon d’interagir avec l’environnement, d’une “ fonction de coût ” que l’on cherche à minimiser, et d’un algorithme pour adapter le modèle afin d’optimiser cette fonction. Et puisque l’apprentissage repose sur des interactions, il donne lieu à un échange de données ; d’où le lien immédiat entre big data et machine learning. En fait, même si nous ne le savons pas, nous utilisons ce dernier quotidiennement.

“Cette intelligence artificielle nous sert déjà”

Nous le mettons en œuvre quand nous faisons appel à un moteur de recherche, lorsque nous recourons à un service de traduction automatique en ligne, si nous utilisons un logiciel de messagerie qui sait filtrer les spams. Les banques s’en servent pour détecter les groupes à risque lors de la souscription d’un crédit, et le tri postal y a recours via son système de reconnaissance optique, capable d’analyser les adresses des destinataires pour orienter le courrier vers le bon endroit.

Ainsi, normalement, des fragments de protéines, appelées épitopes, apparaissent à la surface des cellules infectées. Ce qui permet leur détection par le système immunitaire et leur destruction par les lymphocytes. Mais le VIH se transformant trop vite, il n’est pas reconnu quand il change. Ainsi, ce virus survit en mutant si rapidement que les protéines HLA (antigènes des leucocytes humains) ne parviennent pas à reconnaître son ADN viral et à sonner l’alarme. En outre, cette évolution est différente pour chaque personne, puisque chacun a un ensemble différent de protéines HLA.

Le professeur David Heckerman, directeur de recherche à Microsoft Research, travaille depuis des années à l’identification d’un ensemble d’épitopes communs à la plupart des personnes atteintes afin de développer un vaccin. Si le virus effectuait des mutations aléatoires, cela le rendrait beaucoup plus difficile à combattre. En fait, l’équipe de Heckerman a démontré, en développant le logiciel PhyloD, que le VIH mutait en réponse aux activités du système immunitaire. PhyloD recherche les corrélations entre les protéines HLA et le VIH. Des corrélations qui peuvent être importantes, puisque les protéines HLA savent reconnaître des épitopes sur des cellules infectées et alerter ainsi de leur présence.

En utilisant PhyloD, disponible en open source, les chercheurs commencent à identifier les mutations du virus à travers de larges populations de patients, et à en comprendre les règles complexes de mutations. Cet outil recourt à une méthode d’apprentissage statistique très proche des technologies antispams de Microsoft, afin d’analyser les protéines d’épitopes probables chez les personnes infectées. Ces découvertes – et d’autres – menées par le professeur Heckerman pourraient aider des millions d’hommes grâce à la prévention du VIH et peut-être, un jour, à trouver un remède.

Elles auraient également des conséquences pour la recherche sur la façon dont le système immunitaire répond à d’autres maladies, comme le cancer et le diabète. Jusqu’au jour où nous trouverons un vaccin, et peut-être même un moyen de le guérir, la Journée mondiale de lutte contre le Sida nous rappellera que la lutte contre le VIH n’a pas encore été gagnée. Mais l’espoir est là…

 

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