RH

Maturité numérique : la DRH doit transformer l’essai

Par Xavier Biseul, publié le 09 septembre 2024

Après avoir comblé son retard dans la dématérialisation de ses processus depuis la crise sanitaire, la fonction RH fait face à une nouvelle vague autrement plus importante, celle de l’intelligence artificielle. Impactée à plus d’un titre, elle est particulièrement attendue sur le sujet.

Le DSI et le DRH partiront-ils bientôt en vacances ensemble ? Depuis la crise sanitaire durant laquelle ils ont dû mettre en place le télétravail généralisé, ils sont devenus inséparables. Cataloguée comme peu technophile voire franchement technophobe, la fonction RH a rattrapé son retard à marche forcée. Comme dans d’autres nombreux domaines, la pandémie a servi de détonateur : du jour au lendemain, la DRH s’est aperçue qu’elle ne pouvait pas, en étant à distance, sortir la paie, faire passer des entretiens d’embauche ou signer des contrats de travail. Et la Covid a ainsi permis de dématérialiser les processus RH qui ne l’étaient pas encore.

Au-delà des fonctions régaliennes que sont la paie et la gestion administrative du personnel, le SIRH s’est étendu aux solutions de gestion des talents, dans une approche best of breed. « En fonction de l’urgence du moment, la DRH a sélectionné des modules de recrutement ou de formation sans cohérence d’ensemble, observe Mohamed Zaghou, directeur marketing produit chez Cegid. Elle se retrouve aujourd’hui avec des systèmes hétérogènes qu’il convient de rationaliser. »

L’expérience collaborateur, un facteur d’attractivité

Alors que des tensions persistent sur le marché de l’emploi, il s’agit aussi de proposer une expérience collaborateur de qualité pour attirer et retenir les talents. « L’époque où il fallait naviguer sur un intranet pour accéder à l’information RH est révolue, estime Laurent Termignon, directeur de l’activité Work & Rewards chez WTW. L’accès aux données personnelles doit être simple et intuitif. De manière proactive, le collaborateur se voit proposer des parcours de carrière. Certaines entreprises ont même déployé leur propre LinkedIn, un mini marché de l’emploi interne. »

Cet accès à l’information s’étend désormais aux travailleurs dits de la première ligne, salués lors des périodes de confinement : les techniciens itinérants, les vendeurs en magasin ou les ouvriers en usine qui, faute de poste de travail dédié, étaient les oubliés de la transformation numérique. L’information RH leur vient via des bornes et des ordinateurs en libre-service ou maintenant plus souvent sur leur smartphone. « Il convient avant tout de couvrir des besoins RH simples ou de se conformer à des contraintes légales et administratives comme la gestion des temps et des activités », complète Mohamed Zaghou.

Mohamed Zaghou

Directeur marketing produit chez Cegid

 En fonction de l’urgence du moment, la DRH a complété son SIRH en retenant des modules de recrutement ou de formation sans cohérence. »

En revanche, ces cols bleus ne sont pas éligibles au travail en mode hybride qui consiste à alterner jours en présentiel et jours télétravaillés. Pour sa mise en place, Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH, l’Association nationale des DRH, et DRH du groupe Afnor, a travaillé étroitement avec la DSI pour organiser le travail à distance et équiper les salles de réunion « hybrides » en solutions de visioconférence. « Cette nouvelle organisation du travail induit un renforcement de la protection des données sensibles avec des réseaux Wi-Fi différents et le recours à un VPN. »

Autre sujet en commun : la gestion du cycle de vie du dossier salarié. Il s’agit, explique Laurence Breton-Kueny, de mettre en place un parcours coordonné « de l’accueil du collaborateur, avec la fourniture du matériel informatique et les formations de prise en main des différents outils, à la fermeture des droits d’accès au système d’information, quand la personne quitte l’entreprise ».

Accompagner l’adoption du numérique tout en cadrant ses usages

La DRH doit à la fois accompagner l’adoption des pratiques digitales tout en faisant respecter l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle et le droit à la déconnexion. « Des garde-fous doivent être mis en place pour éviter les dérives dans l’usage du numérique qui peuvent aboutir à des situations d’addiction pesant sur la santé physique et mentale des salariés, juge Laurence Breton-Kueny. Au sein du groupe Afnor, une charte de la déconnexion a été établie, annexée au règlement intérieur. »

Et ce n’est pas l’arrivée de l’IA générative qui va faire baisser l’activité digitale en entreprise. Impactée à plusieurs niveaux, la fonction RH se saisit de ce sujet majeur. La prochaine université de l’ANDRH qui se tiendra en juin à Montpellier sera d’ailleurs consacrée à ce thème. Pour ses besoins propres, la DRH bénéficiera des apports des grands modèles de langage, qu’il s’agisse de rédiger des offres d’emploi, d’analyser la dynamique du marché de l’emploi ou d’enrichir automatiquement un référentiel de compétences.

La DRH est aussi attendue pour acculturer et former les collaborateurs aux nouveaux outils d’IA. Il s’agit non seulement de s’adapter à la nouvelle donne, mais aussi d’anticiper les besoins de compétences à venir. « L’IA aura une incidence forte sur les métiers et les compétences, prédit Laurent Termignon. Nous ne sommes qu’aux balbutiements d’une véritable révolution. »

Laurent Termignon

Directeur de l’activité Work & Rewards chez WTW

L’époque où il fallait naviguer sur un intranet pour accéder à l’information RH est révolue. L’accès aux données personnelles doit être simple et intuitif. »

« Certains métiers sont appelés à décliner, d’autres à se développer, d’autres à émerger, poursuit Laurence Breton-Kueny. Pour anticiper ce besoin en compétences, il faut en amont travailler étroitement avec les métiers. C’est un chantier régulier à mener. » Pour ce travail de projection, la DRH du groupe Afnor conseille de passer au Strategic workforce planning (SWP) qui permet d’aller un cran plus loin que la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), en prenant en compte les enjeux « business ».

« On a peur de ce que l’on ne connaît pas, rappelle Laurence Breton-Kueny. Il ne faut pas diaboliser l’IA, sans pour autant sous-estimer les risques associés. » Au sein de l’Afnor, une charte éthique de l’IA a été élaborée et tous les collaborateurs sont progressivement formés à l’IA en fonction de leur métier et de leurs usages. Les membres du Comex et l’ensemble des managers ont été également sensibilisés au sujet par des experts de la Sorbonne.


Cybercrise : une DRH en première ligne

Laurence Breton-Kueny, DRH et membre du Comex du groupe Afnor

Le 18 février 2021 au matin, l’Afnor se réveille victime d’un rançongiciel et des fichiers commencent à être cryptés. La direction générale prend la décision de couper le système d’information. Dans un témoignage à retrouver sur le site de l’ANDRH, Laurence Breton-Kueny, DRH et membre du Comex du groupe Afnor, explique comment elle s’est retrouvée en première ligne de cette cybercrise, aux côtés de la direction générale et de la DSI.

Il a fallu, dans les jours qui ont suivi, mobiliser les salariés, mettre en place l’activité partielle ou réaliser la paie alors que les outils dédiés étaient hors-service. « De manière plus générale, la question des cyberattaques, tout comme celle de la pandémie de Covid-19, place sur le devant de la scène deux sujets parfois oubliés par les RH : la continuité de l’activité et le management des risques », note la dirigeante.


L’IA, un triple impact pour la fonction DRH

Plus de sept DRH sur dix jugent que leur entreprise est en retard dans l’adoption de l’IA générative. C’est l’un des principaux enseignements du baromètre 2024 des DRH réalisé par les cabinets de conseil WTW, ABV Group et RH&M. La fonction RH est concernée à trois niveaux. Elle doit tout d’abord sensibiliser les collaborateurs à l’utilisation de ces nouveaux outils (68 %) tout en leur faisant prendre conscience des limites de l’IA (59 %).

La DRH doit ensuite anticiper les conséquences de l’arrivée de l’IA sur l’organisation du travail. L’automatisation de tâches répétitives et à faible valeur ajoutée nécessite le redéploiement de certains salariés, notamment pour ceux en interaction avec les clients (55 %), et de revoir le référentiel de compétences (46 %). Seuls 11 % des DRH envisagent un risque de réduction d’effectifs.

Enfin, la DRH doit s’approprier l’IA pour sa propre transformation. Parmi les cas d’usage récurrents, le recrutement arrive en tête (44 %), l’IA facilitant le sourcing des candidats et leur évaluation. Viennent ensuite l’accompagnement des collaborateurs dans leur évolution de carrière (41 %) et la transmission des compétences (39 %).


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