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Les grands de la Tech résistent mieux que prévu
Par Laurent Delattre, publié le 26 juillet 2023
Les résultats de Google et Microsoft, supérieurs aux attentes, montrent que les grands de la Tech résistent plutôt bien au contexte macro-économique et géopolitique défavorable. L’IA s’impose comme leur nouveau levier de croissance. Mais les marchés réagissent différemment.
Les résultats de Google et Microsoft pour le second trimestre calendaire 2023 étaient très attendus. Et force est de constater qu’ils sont plutôt bons et supérieurs aux attentes du marché. Mais ils sont aussi très révélateurs des tendances du marché de la Tech.
Microsoft signe de nouveaux records sans convaincre
Les résultats du deuxième trimestre marquent aussi la clôture de son année fiscale 2023. Et malgré les circonstances économiques et politiques internationales, le groupe signe un trimestre et une année record.
Pour son dernier trimestre fiscal, Microsoft affiche un Chiffre d’Affaires trimestriel de 56,2 milliards de dollars en croissance de 8% et un bénéfice de 20,1 milliards de dollars en croissance de 20%. C’est un nouveau record pour la firme qui signe là le meilleur trimestre de son histoire en termes de ventes.
Ce qui porte l’année 2023 à de nouveaux sommets pour le groupe : un CA de 211,9 milliards de dollars (en croissance de 7%) et des bénéfices nets de 72,4 milliards de dollars (en croissance de 11%).
Et malgré ces bons résultats, les marchés ont réagi à la baisse sur l’action Microsoft. En cause, une inquiétude marquée sur le ralentissement du Cloud. Pourtant ce ralentissement paraît aujourd’hui tout à fait logique et prévisible, le marché commençant à atteindre une certaine maturité et les entreprises cherchant désormais à « faire plus avec moins » et donc à optimiser leurs usages.
Et pourtant. Azure et autres services Cloud affichent une croissance de 26% au quatrième trimestre d de l’exercice 2023. Soit un point de croissance en moins que l’an dernier. Et c’est ce petit point qui inquiète les investisseurs qui y voient le signe d’un plafond atteint. Cela fait plusieurs trimestres que ni AWS, ni Azure, ni Google Cloud affichent des croissances de plus de 40%. La croissance des hyperscalers s’affaiblit ces derniers trimestres mais reste néanmoins élevée.
Cependant, on ne sait toujours pas combien Azure rapporte réellement à l’éditeur alors que le procès FTC-Microsoft a révélé que, au moins en 2021, les revenus d’Azure étaient inférieurs aux estimations des spécialistes. Car Microsoft continue de masquer les résultats de ses différents services Cloud au sein d’une division « Intelligent Cloud » qui n’existe que sur le papier. Celle-ci s’impose comme la principale division du groupe avec son CA trimestriel de 24 milliards de dollars (en hausse de 15% par rapport au même trimestre 2022).
La division « Productivity & Business Processes », principalement composée de Office et Dynamics, affiche une progression de 10% (par rapport au même trimestre 2022) pour atteindre un CA trimestriel de 18,3 milliards de dollars. Office 365 Pro & Entreprise affichant 15% de croissance.
Et c’est une nouvelle fois la division « More Personal Computing » qui souffre le plus. On le sait, le marché du PC est en berne. Et cela se voit à la fois sur les ventes de Windows (en déclin de 12%) et sur celles de la gamme Surface (en déclin de 20%). La division sauve les meubles avec la Xbox et ses services en ligne pour afficher, au final, un CA trimestriel de 13,9 milliards de dollars, en baisse de 4% par rapport à l’an dernier.
Du côté du PC, l’avenir semble bien être ailleurs. Encore très embryonnaire, le marché du Cloud PC (Windows 365 et Azure Virtual Desktop) rapporte déjà plus d’un milliard de dollars par an à l’éditeur, selon une information glanée durant la conférence aux investisseurs qui a suivi la publication des résultats.
Reste que Microsoft ne s’est pas vraiment étendue sur l’impact de l’IA dans son Business. « Les organisations se demandent non seulement comment – mais aussi à quelle vitesse – elles peuvent appliquer cette nouvelle génération d’IA pour répondre aux plus grandes opportunités et aux plus grands défis auxquels elles sont confrontées, de manière sûre et responsable », a déclaré Satya Nadella, PDG de Microsoft. « Nous restons concentrés à nous imposer comme leader de la transformation par l’IA, en aidant les clients à tirer le plus de valeur du cloud Microsoft… ». Et c’est un peu tout ce que s’est contenté de préciser l’éditeur dans son rapport financier.
Impossible de savoir jusqu’à quel point ses investissements IA ont impacté les bénéfices du groupe d’autant que bien investissements R&D en la matière sont dispatchés dans les trois grandes divisions du groupe (Intelligent Cloud, Productivity, Personal Computing). Les “dépenses d’investissement” sur le trimestre ont cependant dépassé les 10 milliards de dollars dont 8 milliards en cash ce qui donne quand même une petite idée de l’effort d’investissement en infrastructures IA réalisé ce trimestre par le groupe.
Les investisseurs avaient espéré que la folie actuelle autour de l’IA allait déjà boosté le Cloud. Ce qui explique notamment la réaction négative des marchés malgré les résultats record. C’est bien sûr encore un peu tôt : la plupart des entreprises sont plutôt au stade des projets et des POCs que des déploiements. Néanmoins, l’IA aurait déjà contribué à hauteur de 1 point aux 26% de croissance d’Azure selon une information lâchée par la CFO du groupe durant la conférence post-annonce des résultats. De quoi redonner de l’espoir aux investisseurs ?
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Google dépasse aussi les attentes… grâce à la pub
Les marchés ont en revanche bien mieux réagi aux résultats de Google. Mais pas vraiment à cause du Cloud (qui au demeurant se porte bien avec une croissance de 28%) ni à cause de l’IA (qui n’apparaît nulle part dans les résultats).
Les « Google Services » affichent un CA trimestriel de 66,3 milliards en croissance de 13% par rapport au même trimestre 2022. Avec des bénéfices qui s’élèvent à 21,8 milliards de dollars (en croissance de 12%).
Parallèlement, le CA de Google Cloud s’élève à 8 milliards de dollars (28% de croissance). Autre bonne nouvelle, pour le deuxième trimestre consécutif (après une première historique au trimestre précédent), la division Cloud affiche des bénéfices, certes modestes : 395 millions de dollars.
« Notre leadership continu en matière d’IA et notre excellence en matière d’ingénierie et d’innovation sont à l’origine de la prochaine évolution de Search et de l’amélioration de tous nos services. Avec quinze produits qui desservent chacun un demi-milliard de personnes, et six qui en desservent plus de deux milliards chacun, nous avons tant d’occasions de remplir notre mission » se réjouit Sundar Pichai, CEO of Alphabet/Google.
Mais ne nous y trompons pas. Ce qui réjouit les marchés, c’est bel et bien le redémarrage du marché de la publicité ! Logique… La pub c’est 79% des revenus de Google ! Et les revenus publicitaires s’élèvent à plus de 58 milliards de dollars, en hausse de 3% (alors qu’ils étaient en baisse en début d’année).
En allant chercher dans le détail du rapport financier on constate les coûts Corporate « non alloués » ont augmenté de 400 % pour dépasser le milliard de dollars (sur 1 trimestre donc). Ce chiffre donne une bonne indication de l’investissement réalisé par Google en matière d’IA. Car le groupe précise que l’activité née de la fusion de Google Research AI (Brain Team) et Deepmind a été justement placé sur cette ligne comptable.
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