Gouvernance

Ne pas confondre « se relever d’une crise » et « se révéler pendant une crise »

Par La rédaction, publié le 29 avril 2020

Sanitaire, économique, mondiale, locale, contextuelle, sociale, sectorielle… Il nous faut régulièrement faire face à des crises, que nous soyons prestataire ou client final. Il nous faut gérer nos équipes, nos clients, qu’ils soient internes ou pas, nos sponsors, nos décideurs, éventuellement nos actionnaires, nos familles et notre énergie : ne pas s’épuiser, garder de l’espace, de l’air, c’est aussi indispensable pour pouvoir faire convenablement le reste.

Il n’est pas toujours simple de combiner tout cela.

Comme vous, j’ai rencontré des profils très différents face à des situations particulièrement tendues. Sans faire la promotion d’outils de typologie, de profilage ou de développement personnel bien connus, il apparaît néanmoins qu’on distingue assez bien ceux qui vont briller, sortir du lot, se révéler même parfois, dans une situation hors-normes ; et cela ne se joue pas qu’au niveau du top-management dont vous faites partie.

Cherchez, et vous trouverez ce collaborateur, cette ingénieure d’études-ci, ce technicien-support là … qui n’est pas le plus apprécié de ses collègues, mais qui passe assez bien auprès des VIP, qui vous pose parfois des problèmes de management, qui ronchonne dès qu’on impose quelque chose, mais qui se révèle un pilier solide et étonnamment présent quand d’autres, habituellement parmi les plus zélés, quittent le navire à la première difficulté qui sort du cadre.
Lui qui donne souvent l’impression de traîner des pieds, se positionne naturellement lorsque vous demandez des volontaires pour telle ou telle mission, hors contexte habituel. Cela pose question. Et vous vous contentez d’émettre des hypothèses : s’il était dans un mode négatif en période normale, c’était pour des raisons d’ennui, ou de manque de reconnaissance, ou de manque de responsabilité…

Nous en avons tous connus. J’ai en tête un de mes consultants qui était en mission chez un client sur un sujet de refonte d’infrastructure. Le client en était satisfait, mais regrettait son manque de chaleur, de prise de main, presque d’implication sur le projet. Nous cherchions une solution de remplacement, quand une cyberattaque fut l’occasion pour mon consultant de montrer à tous – moi compris, évidemment – que là où les équipes internes étaient en mode panique sans prise de hauteur, il avait le sang-froid, la distanciation et la rigueur nécessaire pour poser les choses et arriver de la meilleure façon possible à la mise en oeuvre du plan de remédiation. Et une implication, un investissement, et un sens du service client exemplaires.

À ce stade, le lecteur professionnel sourira d’un air moqueur – ne niez pas, je vous vois – : « mauvais management qui n’a pas vu, qui n’a pas su, qui n’a pas voulu… » Ce n’est à mon avis pas si simple. Aussi élevée soit notre compétence en management, aussi solide soit notre technique d’encadrement, aussi fournis soient nos outils, méthodes et collègues pour gérer les équipes, leur développement, etc., qu’il est difficile de connaître la véritable nature des uns et des autres. Et c’est somme toute bien normal : nous ne quittons jamais véritablement nos postures, nos masques, nos costumes dictés et formatés par les relations hiérarchiques, par le code implicite de la société qui nous emploie, par la relation client-fournisseur. Chacun, à son niveau, doit jouer son rôle, sa partition en limitant les fausses notes.

Alors bien évidemment, nous souhaitons tous avoir l’occasion de voir le meilleur de chacun sans qu’il faille une crise majeure. Mais c’est peut-être là également, au-delà de « faire de la crise une opportunité » – quel chef d’entreprise, quel président, quel DSI n’a pas utilisé ces termes pour motiver ses troupes ? -, que des mutations profondes peuvent intervenir, en dépassant les projets, les enjeux, les objectifs. Grandir et faire grandir, dit-on parfois.

Lorsque les temps sont plus durs, il peut être pertinent et utile d’aborder ses équipes, ses tiers avec un oeil nouveau, une approche différente, une écoute attentive. Le fameux changement de paradigme, celui qui faisait il y a quelques années tant de points au bingo des consultants, c’est peut-être maintenant qu’il va intervenir, si chacun sait convertir son regard.

Cela peut donner de grands résultats : les héros n’étaient pas toujours destinés à le devenir…

Mais attention, comme beaucoup de choses, une crise a un début et une fin. Il faudra donc, si vous décelez de nouvelles forces, de nouvelles potentialités dans vos équipes, dans vos relations, en vous-même, penser au retour à la normale. Ne pas générer de frustrations, ni laisser les talents retourner au sommeil, combiner les forces historiques et nouvelles pour avoir une meilleure équipe après qu’avant.

Vous l’aurez noté, j’ai pris soin durant tout cet article de parler de vos réactions face à « une » crise, quelle qu’elle soit. Bon sang qu’il est difficile de ne pas parler de Covid-19 à chaque phrase, à chaque idée, tellement cette crise-là est violente, inédite et, à ma connaissance, imprévue. Il est bien étrange d’écrire ces quelques mots à vous, lectrices, lecteurs, que je ne connais pas pour la plupart d’entre vous, mais cela ne fait rien : prenez soin de vous, et je le souhaite avec force, à très vite. Espérons !
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Par Gabriel Chataînois, Dirigeant d’une petite société de conseil
Gabriel Chataînois est le pseudonyme du dirigeant d’une société de conseil bien réelle

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