Gouvernance
« Nous intégrons notre SI avec ceux de nos clients pour leur donner accès aux données », Beray Legouverneur, DSI Groupe de Gefco
Par La rédaction, publié le 09 avril 2018
Société internationale spécialisée dans les ≪ supply chains ≫ complexes, Gefco, a entamé la mutation progressive de son système d’information. L’ouverture aux partenaires et aux clients, la mobilité et la digitalisation des processus sont déjà lancées ou avancées et soutenues par une démarche d’innovation et l’investissement dans des accélérateurs de start-up. Une démarche accompagnée d’un contrôle des aspects financiers qui se traduit jusque dans l’organisation de la DSI.
Vous avez lancé de nombreux projets de transformation. Cette démarche est-elle liée aux spécificités de votre activité ? Pouvez-vous nous les décrire ?
La transformation d’une entreprise spécialisée comme nous dans le transport complexe et multimodal, ferré, maritime, routier et aérien, est vitale. Pour rappel, nous sommes historiquement une filiale de Peugeot chargée du transport de véhicules. En 2012, le constructeur a cédé 75 % de sa filiale à RZD, les chemins de fer russes. Nous sommes le leader européen de transport de véhicules, ce qui représente environ 5,2 millions de véhicules par an. Autre caractéristique, nous avons une couverture mondiale avec une présence directe dans plus de 40 pays et à travers un réseau de plus de 300 agences. Notre métier de services repose avant tout sur nos collaborateurs et sur notre système d’information. Il importait donc de faire évoluer celui-ci pour répondre aux besoins émergents des clients, ainsi qu’aux contraintes économiques.
Quels choix avez-vous faits notamment en matière de cloud ? Comment est architecturé votre SI ?
Dans notre métier, et spécialement dans notre entreprise, tout projet doit répondre à une équation économique. Dans ce contexte, l’option du cloud était un choix logique parce qu’il nous apporte la flexibilité et l’agilité indispensables. Centralisé, notre système d’information est largement virtualisé depuis 2013. La majeure partie des serveurs est hébergée dans un cloud privé opéré par Capgemini dans une logique de IaaS. Les infrastructures tournent sur Linux et Windows. Nous possédons très peu d’équipements en propre. Beaucoup d’applications sont basées sur des développements spécifiques pour répondre à nos besoins métiers et pour des raisons historiques. En dehors de quelques pays, la Chine et la Russie pour des raisons techniques, la même instance d’une application est partagée par toutes les zones géographiques. Outre le gain en termes de ressources, ce choix répondu a un besoin métier. Beaucoup de données, sur l’envoi, le contenu… doivent être partagées entre les différents pays de départ, d’arrivée et de transit.
En dehors du cloud et de la virtualisation, quelles sont les transformations en cours dans votre SI ?
Le marché est de plus en plus exigeant. Il s’agit notamment de fournir plus de traçabilité sur le statut des marchandises, et ce, en temps réel, ou encore de réduire les plages horaires prévues pour les livraisons pour faciliter les opérations de chargement et déchargement des véhicules, par exemple. Des besoins qui impliquent d’ouvrir la plupart de nos applications même vieillissantes. Nous avons mis en place des flux EDI, une architecture EAI et des API, pour nous intégrer avec les SI de nos clients et leur donner accès aux données liées a la traçabilité, aux données opérationnelles, pour produire des indicateurs, et aux documents. Nous avons mis en place des portails permettant aux clients d’accéder à des informations sur leurs marchandises et récupérer leurs documents réglementaires comme les CMR*. La prochaine étape sera d’automatiser les échanges d’informations, quasiment en temps réel, par un dialogue inter-applicatifs entre les différents SI. Autre évolution, des algorithmes d’intelligence artificielle sont mis à contribution pour optimiser les flux, par exemple pour optimiser les trajets. Plus globalement, à partir des données de nos systèmes, nous expérimentons de nouveaux axes d’optimisation opérationnelle avec des technologies big data.
Pouvez-vous donner un exemple d’application métier liée à cette transformation, dans la mobilité par exemple ?
Destinée aux chauffeurs, une nouvelle application sur smartphone digitalise un processus clé de notre métier. Légalement, le transporteur est responsable de la marchandise jusqu’à la signature du document attestant de sa livraison, le Proof of delivery. Jusqu’à présent ce document était signe sur papier et les données saisies dans un applicatif, ce qui prenait en moyenne quatre a cinq jours. Outre ce délai et le risque d’erreur de saisie, la nouvelle réglementation IFRS 15, applicable depuis le début de l’année, nous impose de facturer après livraison et non au départ. L’application mobile embarque entre autres une fonctionnalité de signature électronique. Elle génère le document, le met à disposition pour le client en temps réel et permet de déclencher la facturation. En cours de déploiement massif, cette application se traduit par des gains de trésorerie notables et une amélioration de la satisfaction client.
Vous expérimentez également des applications IoT, notamment avec un projet de Smart Tracking. Pouvez-vous nous en parler ?
Nous gérons des millions de bacs et de palettes que nous mettons à la disposition de nos clients. Chaque année, nous en perdons une partie. Quand une palette part d’une agence de la banlieue parisienne pour la Turquie, on ne sait pas ou elle va après, elle peut se retrouver en Afrique du Nord ou en Slovaquie quelques semaines après. Actuellement en POC sur une centaine de bacs, ce projet a pour objectif de limiter les pertes à partir de capteurs de géolocalisation et d’améliorer le turn-over des assets : grâce aux informations des coordonnées de placement, une alerte peut être déclenchée si le bac ne ≪ bouge ≫ pas. L’IoT peut également être utilisé pour effectuer l’inventaire, actuellement une opération manuelle. D’autres cas d’usage peuvent être imaginés et commercialisés. Le principal défi concerne l’investissement. Celui-ci devient conséquent quand il porte sur des millions d’objets, et ce, sans compter les couts récurrents, notamment les flux sur des réseaux bas débit. Mais nous gagnons en expérience avec ces tests et nous réfléchissons à définir des cas d’usage économiquement viables.
Tous ces projets ont-ils impacté l’organisation de la DSI ?
J’ai une équipe de 150 personnes en interne à la DSI groupe et de 60 personnes dans les pays et régions. Pour lancer nos projets d’innovation, nous travaillons avec des sociétés de services. Nous apprenons avec elles de nouvelles technologies et nous capitalisons aussi sur leurs cloud publics. Leurs plateformes sont souvent bien équipées sur le plan technologique. Gefco est également partie prenante dans deux accélérateurs de start-up, a Paris et a Londres. Côté ressources internes, attirer des talents reste un défi majeur. Côté organisation, chaque acquisition d’un nouveau client passe par la DSI pour mieux cerner les impacts liés à son intégration. Dans ce but, j’ai créé une équipe IT début 2016 baptisée Customer Task Force. À l’époque, sa première tâche a été de dresser un catalogue des solutions IT destiné aux commerciaux. Une matrice de décision permet d’estimer si les besoins du client restent standards –dans ce cas, un cout d’intégration classique est appliqué–, ou sont plus spécifiques, par exemple si une demande porte sur un indicateur non disponible. Cette équipe suit le client, de son intégration a la mise en production, avec une période de quelques semaines de suivi post-production. La polyvalence, la connaissance métier comme celle des SI, sont primordiales pour cette équipe. Toutes ces démarches facilitent la transformation digitale de l’entreprise, permettent de proposer des services innovants à nos clients, et ce, tout en gardant la maitrise des couts. Elles nous mettent sur la voie du transport et des services associes de demain pour le B2B, le B2B2C et le B2C. *CMR : convention relative au contrat de transport international de marchandises par route.
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICK BRÉBION
Beray Legouverneur
Depuis 2013 DSI Groupe – Gefco
2002-2012 Directrice IT – Faurecia
2000-2002 Responsable du consulting – TRW ISCS
1994-1999 Responsable du développement – Arvin Meritor
Formation
Diplôme de l’IMD Business School (Suisse)
Diplôme d’Ingénieur mécanique – Université du Bosphore
Diplôme d’Ingénieur informatique – Université Technique du Danemark