Gouvernance
Obsolescence du SI : Dirigeants et DSI ne dansent pas sur le même pied
Par Laurent Delattre, publié le 05 décembre 2024
Entre obsolescence critique des infrastructures et inadéquation aux risques futurs, les entreprises se heurtent à un paradoxe technologique selon une nouvelle enquête Kyndryl. Si la modernisation est stratégique, les écarts de perception entre dirigeants et DSI révèlent des priorités pas toujours bien alignées qui amplifient les défis de résilience numérique dans un monde d’incertitudes.
Le nouveau rapport “Readyness Report 2024” de Kyndryl, intégrant les réponses de 3 200 dirigeants et les données opérationnelles issues de sa plateforme numérique Kyndryl Bridge, met en lumière un paradoxe pas forcément très surprenant mais parlant autour de la modernisation technologique des entreprises et de la capacité de leur système d’information à s’adapter aux défis à venir.
Selon l’étude, alors que 90 % des dirigeants d’entreprise déclarent avoir confiance en leur infrastructure informatique et la jugent “à la pointe”, mais seulement 39 % d’entre eux estiment qu’elle est véritablement prête à gérer les risques futurs. Voilà qui est effectivement assez paradoxal.
Depuis la crise COVID, nous vivons des temps incertains. Les conditions économiques et géopolitiques actuelles rendent assez illisibles un avenir proche déjà rendu compliqué à cerner par les fulgurants progrès de l’IA et les transformations majeures qu’elle annonce.
L’IA est d’ailleurs l’un des domaines dans lequel le paradoxe évoqué plus haut est le plus visible : bien que 86 % des entreprises qualifient leur implémentation d’IA comme « meilleure de sa catégorie », seulement 29 % la considèrent capable de faire face aux perturbations à venir. Les principaux freins identifiés incluent les problèmes d’intégration, les lacunes en compétences spécialisées, et une incertitude sur le retour sur investissement (ROI). Des freins cohérents avec bien des enquêtes publiées cette année.
Des risques bien perçus
En réalité, « plusieurs risques tiennent les CEO, les DSI et les CTO éveillés la nuit, tels que les cyberattaques, l’évolution des réglementations, les perturbations climatiques, l’incertitude économique et le fait de suivre les avancées technologiques » rappellent ainsi les rapporteurs de l’étude.
Dans des conditions comment se sentir « prêt » à affronter les défis de demain ? Selon l’étude, seulement 29% des responsables métiers se sentent « prêts » à affronter les risques externes. De même 3 dirigeants d’entreprise sur 5 avouent avoir du mal à suivre.
« La préparation » doit être un objectif en constante évolution rappelle les auteurs de l’étude d’autant que les dirigeants peinent à suivre le rythme de l’innovation technologique. S’y ajoute la rapidité des nouvelles réglementations qui pose également un défi pour la plupart des responsables en particulier en Europe et tout particulièrement en France et aux Pays-Bas. A l’échelon mondial, 50% des responsables estiment que les changements politiques et réglementaires évoluent trop rapidement dans leur pays (56% des répondants en France).
Une perception différente entre dirigeants et DSI
Ce que met surtout en avant l’étude, c’est la différence de perception entre les dirigeants d’entreprise et leurs DSI sur l’état de préparation aux risques et challenges de demain de leur système d’information. En moyenne, sur les différents thèmes observés, près de 10 points séparent les points de vue des uns et des autres.
Et les plus inquiets ne sont pas les DSI mais bien les dirigeants ! Etrangement, ce n’est pas sur la préparation aux cyberattaques que la différence est vraiment sensible (en l’occurrence, c’est la première inquiétude des deux « camps »). Les différences sont plus marquées sur les sujets de respect des règlementations, d’incertitudes économiques, de géopolitiques et dans une moindre mesure d’innovation et de Green IT.
L’obsolescence technologique : un défi pressant
Selon les données de Kyndryl Bridge, 44 % des composants critiques des infrastructures informatiques approchent ou dépassent leur fin de vie, augmentant ainsi les vulnérabilités en cybersécurité et freinant les capacités d’innovation.
Près de deux tiers des PDG s’inquiètent que leur infrastructure soit obsolète, exacerbant les risques de pannes, de failles de sécurité et de difficultés d’intégration des nouvelles technologies.
Modernisation technologique : des progrès inégaux
Bien que 94% des entreprises placent la modernisation technologique parmi leurs priorités, seules 29 % se positionnent comme leaders dans ce domaine.
Les autres (71 %) en sont encore aux premières étapes ou aux phases intermédiaires de leur transformation numérique. Leurs principaux obstacles sont :
– La complexité des systèmes existants (28 %)
– La compatibilité de cet existant avec les technologies modernes (23 %)
– Les coûts à long terme (21 %)
L’étude révèle également un manque flagrant d’automatisation, une clé décisive pour la résilience des systèmes et l’agilité des opérations IT. “Même les entreprises qui ont déjà adopté un fort degré d’automatisation ont encore de larges marges de progression” constatent les responsables de Kyndryl. Selon l’étude, le niveau moyen d’automatisation des opérations IT ne serait que de 8% ! Et certains secteurs sont particulièrement en retard.
De plus, les changements rapides des réglementations et les lacunes en compétences numériques freinent davantage la progression. Ces défis sont particulièrement ressentis dans des secteurs comme la santé, l’énergie et la fabrication.
Le facteur humain : la vraie clé du succès
L’étude souligne que les entreprises les plus avancées dans leur modernisation se distinguent par leur capacité à aligner les équipes techniques et métiers, et par des investissements continus dans le développement des compétences. Plus de 42 % des dirigeants constatent que les écarts de compétences en IA, cybersécurité et analyse des données freinent leur progression.
Pour conclure et aider les entreprises à surmonter les paradoxes de leur préparation technologique, Kyndryl recommande une approche intégrée qui combine modernisation des infrastructures, formation des collaborateurs, et alignement stratégique entre les leaders techniques et métiers. Rien de bien novateur ni surprenant mais, comme le dit le dicton, « ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant ». C’est par un tel pragmatisme que les entreprises peuvent acquérir une meilleure résilience face aux risques avec une collaboration renforcée et un ROI accru sur les technologies émergentes.
À LIRE AUSSI :
À LIRE AUSSI :
À LIRE AUSSI :