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OpenAI : nouvelle crise existentielle ou métamorphose ?
Par Laurent Delattre, publié le 27 septembre 2024
Des rumeurs d’une nouvelle levée de fonds spectaculaire… Des démissions en cascade… Une volonté de réorganiser la jeune pousse, au statut fragile, en entreprise commerciale… OpenAI est à nouveau en crise, à la veille d’une métamorphose radicale ou d’une explosion en plein vol…
Souvenez-vous. L’an dernier, à peu près à la même époque, OpenAI, star de l’IA générative, vivait une semaine rocambolesque durant laquelle son conseil d’administration licenciait son charismatique fondateur, Sam Altman. Presque tous les employés menaçaient alors dans la foulée de démissionner et de rejoindre Microsoft, qui leur tendait les bras. Finalement, 5 jours après l’avoir viré, le conseil d’administration rétablissait Sam Altman dans ses fonctions avant d’être lui-même immédiatement dissous. Cette crise avait ainsi révélé au grand jour des conflits internes majeurs, notamment dus à un manque de communication entre Sam Altman et son conseil, mais également à un problème fondamental d’identité entre une entreprise née sous le signe du « non-profit » et devenue une entreprise lucrative gérée par un conseil philanthropique.
Cette dualité, au cœur même de la construction d’OpenAI, est à nouveau au centre d’une série de bouleversements au sein de la startup. Nouvelle crise existentielle ? Pas tout à fait. Mais plutôt une sorte de grand ménage avant un changement radical d’identité. La chrysalide philanthropique se mue en papillon s’envolant directement vers les hauts profits, prêt à rejoindre les brillantes étoiles de Wall Street… À moins qu’elle ne se brûle les ailes au passage…
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Des démissions à la chaîne
En effet, cette semaine, les murs d’OpenAI tremblent à nouveau. En l’espace de quelques jours, trois figures emblématiques de la startup ont annoncé leur départ : la directrice technique Mira Murati (au cœur des événements de l’an dernier qui l’avaient vu prendre la direction de la startup durant 3 jours), le directeur de la recherche Bob McGrew et le vice-président de la recherche Barret Zoph. Ces démissions successives de figures phares de l’IA générative ont pris de court le monde de la tech et rappelé à tous les secousses de l’année précédente.
Mira Murati a déclaré qu’elle quittait l’entreprise pour « créer le temps et l’espace nécessaires à sa propre exploration [de l’IA]». Bob McGrew a évoqué le besoin de « prendre une pause », tandis que Barret Zoph a mentionné « une décision personnelle liée à l’évolution de sa carrière ». Si ces départs sont présentés comme indépendants, leur simultanéité interroge forcément.
Parallèlement, d’autres piliers de l’entreprise ont également pris leurs distances. Ilya Sutskever, co-fondateur et figure clé de l’IA chez OpenAI, a quitté l’entreprise plus tôt cette année pour lancer sa propre initiative « SSI, Safe SuperIntelligence » axée sur la sécurité de l’IA. Greg Brockman, autre co-fondateur, avait auparavant annoncé une année sabbatique, laissant un vide supplémentaire au sein de la direction.
La fin d’une dualité intenable
Ces démissions interviennent alors qu’une transformation profonde s’opère au sein d’OpenAI. Selon des rapports de Reuters et Bloomberg, la startup envisage de restructurer son organisation pour devenir une entreprise 100% à but lucratif. Une évolution majeure pour une structure qui, depuis sa création, naviguait entre un statut non lucratif et des ambitions commerciales.
Cette mutation pourrait permettre à Sam Altman de recevoir une participation de 7% dans l’entreprise, une première pour un CEO dont le conseil d’administration n’avait jusqu’ici aucun intérêt financier direct.
En pratique, on sait que Sam Altman cherche à boucler un nouveau tour de table spectaculaire qui pourrait valoriser l’entreprise au-delà des 100 milliards de dollars. Avec de tels enjeux financiers, il n’est clairement plus possible de concilier les deux visions d’OpenAI. Les impératifs commerciaux ne peuvent désormais que l’emporter même si OpenAI envisage de conserver une sorte de « division à mission philanthropique et open source » dans sa nouvelle organisation d’entreprise lucrative. Le Board actuel devrait être dissout et remplacer par un Board plus « Business » dans lequel certains investisseurs devraient figurer (Microsoft ? Apple ? NVidia ?).
Il n’est d’ailleurs pas exclu que ce tour de table et d’éventuelles redistributions de parts aient justement encouragé les départs de la semaine, ou tout au moins contribué à ces départs.
Sam Altman, lors d’un événement à l’Italian Tech Week, a confirmé les plans de restructuration tout en niant tout lien avec les départs récents.
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Une pseudo crise à la veille de la conférence DevDay
Ces bouleversements surgissent également à un moment stratégique pour OpenAI alors que la startup ouvre la semaine prochaine les portes de sa seconde conférence DevDay, très attendue, où des annonces majeures sont anticipées.
Cependant, pour de nombreux observateurs, cette “crise” ressemble davantage à une mise en scène calculée pour préparer le terrain à des changements profonds. En renforçant sa position de leader incontesté, Altman semble vouloir affirmer sa vision et redéfinir les contours d’OpenAI, quitte à bousculer les équilibres internes.
Vers une super intelligence et de supers profits ?
La quête d’une super intelligence artificielle (AGI) toujours plus puissante s’accompagne désormais d’une ambition financière décuplée. Mais cette course aux profits n’est pas sans risques. Des experts, comme le Dr Gary Marcus, alertent sur les risques d’un “accident de train au ralenti”, soulignant les défis techniques, éthiques et financiers auxquels l’entreprise est confrontée.
La concurrence s’intensifie également. Des acteurs comme Anthropic, Meta ou Google avancent à grands pas, remettant en question l’avance d’OpenAI. Meta a lancé cette semaine son nouveau modèle multimodal LLama 3.2 ainsi qu’une nouvelle version de sa « Meta AI » qui sait désormais converser en vocal avec une fluidité similaire à celle des fonctionnalités vocales avancées de ChatGPT Plus.
Sans oublier, les critiques qui pointent encore et toujours le risque d’une priorité aux profits supplantant la responsabilité sociale et la sécurité de l’IA.
Pour les entreprises clientes, cette incertitude n’est évidemment pas de bon augure et pourrait handicaper OpenAI si les éclaircissements attendus ne sont pas rapidement annoncés. L’avenir nous dira si la métamorphose d’OpenAI sera couronnée de succès ou si elle marquera le début d’une nouvelle série de turbulences qui pourraient fortement secouer tout l’écosystème de l’IA.
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