Gouvernance
Pas de pilotage efficace des dépenses numériques sans adapter le référentiel de coûts de la DSI
Par La rédaction, publié le 21 février 2022
Héros de la crise pandémique, les DSI doivent néanmoins toujours justifier leurs dépenses pourtant imposées par l’indispensable transformation numérique. Il existe un décalage entre eux et la direction financière. Le combler est un enjeu essentiel. Nouveaux référentiels et outils ITFM offrent aux DSI un pilotage des dépenses.
Par Thierry Cartalas, Associé, TNP Consultants
et Guillaume Savry, Consultant Sénior, TNP Consultants
La transformation numérique est devenue le quotidien de notre économie : innovations du cloud, nouvelles interfaces voix et en réalité augmentée, agilité, intelligence artificielle…, autant de révolutions prises en charge par les nouvelles directions des systèmes d’information et du numérique (DSIN), devenues en quelques années le « business partner » des directions métiers.
Avec un budget informatique dopé par la transition numérique et représentant en moyenne 2,5 % à plus de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise pour le secteur financier, la DSIN doit renforcer ses capacités à justifier ses dépenses auprès de la direction générale.
Cependant, nous constatons au contraire que le décalage avec la direction financière s’est accentué ces dernières années. D’une part, les fondamentaux du pilotage financier des projets IT sont moins bien maîtrisés par les DSI engagées dans l’agile à l’échelle, d’autre part, les équipes de la direction financière comprennent mal les modèles économiques de l’IT, en particulier du cloud.
Pour combler ce décalage grandissant et recréer la transparence nécessaire sur les coûts informatiques et numériques, le DSI doit repenser son référentiel de coûts en s’appuyant sur une nouvelle taxonomie de la dépense informatique qui puisse se rapprocher simplement des revenus de l’entreprise. Les nouvelles DSIN doivent en effet communiquer plus clairement sur la valeur créée par le numérique dans les métiers.
Deux taxonomies existent en France : celle du Cigref et celle du Council TBM 4.0 (Technology business management). Si le premier apporte un cadre d’indicateurs sur-mesure partagé entre DSI, le second est largement adopté par les éditeurs de solutions ITFM comme SNOW, Apptio, BMC et Nicus, notamment.
Ces taxonomies permettent désormais aux DSI d’adopter un standard budgétaire multidimensionnel, adapté au cloud et aux projets agiles, tous deux grands consommateurs d’Opex. Ils apportent en effet une visibilité accrue de la dépense informatique sur quatre niveaux. Le niveau 1 correspond à la vision ressources ou cost pools ; le niveau 2 à la vision activité ou IT tower ; le niveau 3 à la vision services ; et le niveau 4 à la vision business units en lien avec les revenus de l’entreprise.
Ces solutions sont également conçues pour suivre finement les consommations du cloud et leurs variations, parfois surprenantes, de charge financière. Appelées FinOps, elles permettent de mesurer en temps réel et de mieux maîtriser les usages du cloud computing par leurs utilisateurs.
Pour développer cette vision à 360° de la dépense informatique et numérique, les DSIN s’équipent de ces nouvelles solutions d’IT financial management (ITFM). L’objectif d’un projet ITFM est de développer une capacité de consolidation en temps réel des consommations des ressources informatiques et des factures via des API connectées aux outils d’administration du cloud, de ticketing, de suivi des temps, de la comptabilité fournisseurs et à la gestion des actifs (CMDB), puis d’allouer automatiquement ces coûts aux services consommés par les BU.
Un projet d’ITFM prend en moyenne trois à six mois selon la complexité de la consolidation recherchée et s’effectue en trois phases : un état des lieux des processus de suivi budgétaire et de refacturation existants (collecte, analyse et exploitation) ; une définition de la taxonomie cible et d’une analyse des écarts (gap analysis) avec cette dernière, complétée d’une remise à plat de la structure budgétaire existante et d’une réallocation dans la taxonomie cible (pro-forma) ; enfin la définition de la trajectoire de déploiement de la nouvelle taxonomie démarre par une phase pilote d’intégration avec les outils IT, FinOps et comptables (ex : SAP) puis une bascule par BU. L’objectif est d’industrialiser au maximum la consolidation et l’allocation des dépenses informatiques pour lancer des prévisions budgétaires régulières.
Avec la démarche ITFM / FinOps, les DSIN se dotent d’une nouvelle capacité stratégique pour consolider automatiquement leurs consommations budgétaires à une fréquence hebdomadaire, voire quotidienne, tout en améliorant la qualité des prévisions. Une tâche qui prenait auparavant une énergie considérable des contrôleurs de gestion, faute d’outils. En effet, ces derniers réduisent leur temps passé à réconcilier des données pour le consacrer à l’amélioration du schéma d’allocation des coûts et à l’analyse de la valeur du budget numérique.
Longtemps pilotés par des CAPEX importants sur lesquels les métiers ne pouvaient pas agir, les budgets informatiques passent, avec la généralisation du cloud computing et de l’agile, à une part d’OPEX à plus de 80 %. La mise en place des nouveaux référentiels ITFM devient nécessaire, ils sont l’occasion de reconstruire un nouveau dialogue entre la DSIN et la direction financière pour maîtriser une dépense informatique qui ne se réduira pas avec la transition numérique.
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