Opinions
Pilotage de la DSI : n’oubliez pas le « hors projet »
Par La rédaction, publié le 20 février 2015
Emmanuelle Lebreil, Consultant senior chez EY
La dernière décennie a été marquée par l’arrivée du Project Management Offi cer (PMO) dans les directions des systèmes d’inform ation, ayant sous sa responsabilité à la fois le pilotage des projets, leur consolidation, la gouvernance, les outils, la gestion des investissements. Une avancée majeure dans le pilotage de la DSI, qui laisse toutefois un vide dans son organigramme : qu’en est-il aujourd’hui du pilotage de tout ce qui ne se réfère pas à un projet ?
QU’EST-CE QUE LE « HORS PROJET » ?
Dans une DSI, le « hors projet » englobe le budget de fonctionnement et de maintenance et peut représenter la majeure partie du budget, ce qui rend la faiblesse de son pilotage, ainsi que l’absence de plan de charge sur son périmètre, d’autant plus surprenantes. Certes, les domaines couverts sont moins attractifs que celui du plan de projets stratégiques de l’entreprise, mais ils assurent le fonctionnement quotidien du SI et la continuité des projets dits « anciens », c’est- à-dire terminés.
Ce sujet est d’autant plus problématique que, dans un contexte où le budget des DSI est le plus souvent défini en fonction du chiff re d’aff aires pré- visionnel d’une entreprise (2 à 5 % hors services fi nanciers en moyenne en 2013), cette entité est bien souvent perçue comme un « centre de coûts », qu’il convient d’optimiser en cas de ralentissement économique. Dans un tel cas, la direction générale choisit le plus souvent de « couper » les coûts de fonctionnement et de maintenance, une action dont elle ne mesure pas vraiment toute la portée, car personne ne dispose des éléments susceptibles de mesurer les impacts de la rationalisation. En eff et, si les projets font quasi systématiquement l’objet de plans de charge (avec plus ou moins de succès), les DSI ne recherchent pas nécessairement à mesurer cette même charge sur leur budget de fonctionnement et de maintenance, qui est donc immanquablement perçu comme une variable d’ajustement.
La solution réside dans l’amélioration de la qualité du suivi de l’activité de la DSI et plus particulièrement de son « hors projet ». Le chiff rage systématique des bénéfi ces attendus de plans de réduction des coûts, l’impact de ces mêmes plans, les coûts sur la stabilité du SI, le chiff rage de chacune des applications, sont autant d’informations que le contrôle de gestion devrait pouvoir remonter à la direction.
UNE DÉMARCHE ENCORE PEU RÉPANDUE AU SEIN DES DSI…
Si on observe une relative maturité du pilotage au niveau industriel, la démarche n’est que peu développée au niveau des DSI, et ce principalement pour trois raisons.
En premier lieu, les contrôleurs de gestion des DSI sont souvent issus de fi lières opérationnelles du SI sans formation particulière en gestion et comptabilité. Si les enjeux métiers sont ainsi bien compris, on constate que les sujets créateurs de valeur pour l’entreprise ne sont parfois pas bien identifi és, faute de formation suffisante.
En second lieu, l’intérêt de la direction générale pour l’activité DSI est souvent restreint à la volonté de disposer d’un SI opérationnel à un coût peu élevé. L’arrivée du « virage numérique » devrait sans doute quelque peu modifier la donne, avec un besoin croissant de faire évoluer les SI pour mettre en place des infrastructures permettant aux objets dédiés de se connecter.
Enfin, le financement de la veille technologique est parfois un sujet sur lequel il est complexe de rendre compte et l’absence de plan de charge permettant de la quantifi er permet sans doute d’éviter un certain nombre de débats.
C’est en communiquant davantage sur son activité que la DSI peut démontrer son rôle en tant que centre de création de valeur via le contrôle de gestion : ce qui signifi e pour elle d’expliquer quelles sont les activités centrales, quel est le montant en jours-hommes que leur fonctionnement représente, et ce qui est effectivement supprimé en cas de rationalisation des coûts. Ainsi, elle permettra à la direction générale de prendre les décisions éclairées sur son avenir. Celle-ci peut non seulement avoir une vue rapide et concrète de l’activité de sa DSI, mais elle peut aussi identifi er les activités qui ne répondent pas à ses orientations stratégiques, ou décider en toute connaissance de cause de ne plus poursuivre telle ou telle activité spécifi que – la maintenance d’une application, ou de tel projet -, tout en sachant quels seront les gains et les pertes de cet arrêt. La mise en place d’un suivi effectif des sujets grâce à des tableaux de bord et des indicateurs permettrait en effet de communiquer sur la valeur réelle des activités qui sous-tendent le fonctionnement de la DSI. …
MAIS POURTANT SIMPLE À DÉPLOYER
Paradoxalement, le pilotage de ce plan de charge reste relativement simple au sein d’une DSI. En effet, son compte de résultat comporte le plus souvent une ligne majeure d’« autres achats externes » liés à l’importance de la part de sous-traitance inhérente à son activité.
C’est cette ligne qu’il convient dès lors le plus souvent de modéliser finement en représentant, sur l’ensemble des enveloppes budgétaires, fonctionnement (Run) et développement (Build), maintenances et projets, la part des externes et internes dans les différentes activités identifiées. Le suivi de la charge doit être défini par activité ou applications (ou sous-groupe). Dans le cas de la maintenance, un taux d’incidents pourra être piloté pour les applications majeures.
S’il ne permet pas de s’assurer de la réalisation dans les temps des activités mises au planning, l’établissement d’un tel plan de charge permet néanmoins de valoriser les activités de fonctionnement et les maintenances. Ainsi, lors d’une coupe budgétaire par exemple, il sera plus aisé d’identifier ce que le groupe aura perdu, au lieu de laisser trompeusement percevoir une possible amélioration de la productivité.
À l’heure où davantage de budget doit être mobilisé pour les projets numériques, il est essentiel de ne pas oublier que l’intégralité du périmètre de la DSI a besoin d’être pilotée. Au risque, dans le cas inverse, non seulement de ne pouvoir réaliser le « cost cutting » intelligent nécessaire et permis par le progrès technologique, mais aussi de sous-dimensionner le budget de fonctionnement de la DSI et de compromettre la pérennité de son fonctionnement futur.