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« Plug baby plug » : le Sommet de l’IA exhorte l’Europe à passer des annonces aux actes

Par Thierry Derouet, publié le 12 février 2025

Le Sommet mondial de l’IA vient de s’achever à Paris sur le mot d’ordre « plug baby plug ». Pour Véronique Torner, présidente de Numeum, la France doit transformer les annonces en réalisations concrètes, tout en misant sur une IA responsable.

Les annonces colossales pleuvent comme confettis, au point de donner le tournis : 150 milliards un jour, 200 milliards le lendemain, sans oublier les 109 milliards promis par la France. Jamais un Sommet de l’IA n’avait autant misé sur la surenchère de chiffres pour traduire l’urgence de rattraper les États-Unis et la Chine. La présidente de Numeum, Véronique Torner, salue ces montants qui traduisent selon elle « la volonté d’affirmer la crédibilité de l’Europe face à la course engagée par les États-Unis et la Chine ». Elle insiste toutefois sur la nécessité de passer rapidement des effets d’annonce à la réalité du terrain.

Si le Sommet se veut le signe d’un réveil européen, le retard en matière d’IA demeure préoccupant. Selon Véronique Torner, seulement 10 % des entreprises françaises ont intégré l’IA, alors que le Danemark pointe déjà à 28 %. « Ne pas s’y mettre, c’est prendre le risque de devenir obsolète », lance-t-elle. Le constat s’accompagne d’une conviction : sans déploiement concret, les milliards engagés ne resteront qu’un affichage politique.

De l’énergie qui ne se “plug” pas toute seule

La présidente de Numeum estime que la France doit utiliser ses atouts, comme son énergie bas carbone et sa recherche de haut niveau, pour attirer les talents, créer un écosystème local et diffuser l’IA dans tous les secteurs industriels. Le Sommet a vu fleurir des noms de pépites comme Mistral, présentées comme la preuve d’une vitalité possible.

Lors de leur prise de parole commune sur la grande scène, Véronique Torner et Patrick Martin, président du MEDEF, ont réaffirmé leur volonté de démocratiser l’IA dans toutes les entreprises, de renforcer les écosystèmes régionaux pour décentraliser l’innovation et de mettre en œuvre un fonds d’investissement « France & IA ».
Lors de leur prise de parole commune sur la grande scène à l’IA Business Day à STATION F, Véronique Torner et Patrick Martin, président du MEDEF, ont réaffirmé leur volonté de démocratiser l’IA dans toutes les entreprises, de renforcer les écosystèmes régionaux pour décentraliser l’innovation et de mettre en œuvre un fonds d’investissement « France & IA ».

Les discussions ont également porté sur le cadre juridique. L’IA Act cristallise des tensions entre la peur d’une législation trop contraignante et la volonté de préserver la confiance du public. Véronique Torner le répète : « Simplifier ne signifie pas déréguler. Nous ne sommes pas dans le discours des États-Unis, où certaines entreprises effacent complètement leurs engagements ESG. Il est important de trouver un équilibre pour permettre l’innovation sans l’étouffer. » Les autorités françaises affirment leur intention de simplifier notre structure administrative complexe, évoquant une approche “à la Notre-Dame” et accélérer l’implantation de data centers. Il faudra toutefois attendre le 26 février pour découvrir le paquet législatif « omnibus » que l’Union européenne s’apprête à présenter (NDLR La France a publié une note interne le 20 janvier dernier, révélant une première feuille de route sur cette promesse de simplification).

La souveraineté numérique est brandie comme un enjeu majeur, dans un contexte où les capitaux américains et moyen-orientaux s’invitent de plus en plus dans le financement des infrastructures européennes. Certains y voient un moyen d’aller vite, d’autres craignent que l’Europe perde le contrôle sur les décisions stratégiques. Véronique Torner tempère ces craintes, en soulignant que la collaboration internationale peut aussi être une force, pourvu que l’Union sache préserver son autonomie.

L’éthique n’est pas une option

Le sommet a ainsi mis en évidence un paradoxe : l’Europe se dit être la championne d’une IA éthique, tout en essayant de rattraper le leadership américain. Cette dynamique a fait place à une tonalité plus offensive qu’à l’habitude, que Véronique Torner assume : « Parler des risques est indispensable, mais on ne peut plus attendreL’IA n’est pas un “nice to have”, c’est un “must have”. »

Les critiques ciblent néanmoins l’absence de mesures précises sur des sujets sensibles, comme la vidéosurveillance augmentée, reportés à l’IA Act et à ses évolutions. Le discours politique a plutôt choisi de mettre l’accent sur le « mode commando » pour faciliter l’implantation de centres de données, l’espoir de déployer rapidement des solutions IA dans les domaines de la santé, de l’industrie et de l’énergie.

Véronique Torner, qui prône une Europe à la fois ambitieuse et consciente de ses responsabilités, affirme que les prochains mois seront cruciaux pour passer des discours aux actions. Elle rappelle trois priorités que Numeum a portées auprès des institutions : une adoption rapide de l’IA dans les entreprises, un soutien marqué aux solutions françaises et européennes, et la nécessité de conserver une trajectoire d’IA responsable. Elle se félicite du succès de cette grande manifestation à Paris, tout en insistant pour que l’on « transforme l’essai » et que l’effervescence retombée ne laisse pas les acteurs sans impulsion concrète. « Parler de milliards n’a de sens que si l’on concrétise les projets sur le terrain », résume-t-elle en conclusion.


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