Google Cloud finance une étude qui est une diatribe déguisée contre les pratiques commerciales de Microsoft.

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Quand Google Cloud cherche des «punaises de lit» chez Microsoft

Par Laurent Delattre, publié le 17 octobre 2023

Google – qui depuis longtemps dénonce ce qu’il appelle la « Microsoft Tax » – finance une étude tirant à boulet rouge sur son concurrent sans jamais le nommer. De bonne guerre ?

La guerre du cloud existe vraiment. À commencer par celle qui oppose les trois leaders américains. Quitte à ne pas faire dans la subtilité. Une nouvelle étude Asterès réalisée par Vanson Bourne veut dénoncer les pratiques de ventes liées de certains acteurs et l’effet de levier qu’ils imposent en profitant de la dépendance du client à un service pour favoriser leurs autres offres.

Une étude clairement à charge. Dès la première phrase, la messe est dite : « Près de deux tiers des grandes entreprises françaises subissent les conséquences néfastes de la pratique de l’ « effet de levier » sur le marché du cloud, entraînant une perte de qualité de l’infrastructure ou une hausse des coûts pour respectivement 38% et 23% d’entre elles. »

Un effet de levier mesuré

Selon l’enquête, par cet effet de levier et les pratiques commerciales qui l’accompagne :
38% des entreprises renonceraient à l’offre IaaS qui aurait été la plus adaptée à leurs besoins,
33% refusent l’offre groupée pour intégrer leur logiciel à l’infrastructure de leur choix quitte à payer plus cher,
23% payent effectivement plus cher pour pouvoir utiliser l’infrastructure de leur choix,
53% des entreprises acceptent l’offre groupée car l’intégration du logiciel à l’infrastructure qui répond de manière optimale à leurs besoins aurait été trop coûteuse,
– seulement 14% des entreprises auraient de toute façon choisi la solution proposée dans l’offre groupée.

L’étude avance même un chiffre : pour les ETI, la liberté de choix se traduirait par un surcoût de 146 millions d’euros. Et les rapporteurs d’affirmer « de telles pratiques sont préjudiciables à l’essor de l’économie de la connaissance, et en particulier de l’intelligence artificielle ».  

Un sujet régulier du Cigref

Même si l’on peut s’étonner de ces chiffres et des calculs de coûts qui en découlent (un grand classique de toutes ces analyses), l’étude dénonce une réalité pratiquée de longue date et de plus en plus dénoncée par les DSI et les associations comme le Cigref. Ce dernier, associé au CISPE, avait s 2021 alerté les instances européennes pour dénoncer les pratiques déloyales des fournisseurs de Cloud (notamment américains) et appeler à un marché des services plus équitable. Certaines de leurs propositions ont d’ailleurs trouvé écho dans le nouveau DMA (Digital Markets Act) européen et dans le DSA (Digital Services Act). Une initiative qui a par ailleurs mené au mouvement « FairSoftware.cloud »

Sur le papier, même si elle ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes, une telle étude vient finalement chiffrer les déclarations du Cigref… Sauf que l’étude est financée par… Google ! Et cela change profondément sa lecture.


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Mais une étude financée par Google !

En grande bretagne, AWS et Microsoft sont actuellement au cœur d’une enquête de la CMA pour pratiques anticoncurrentielles sur le Cloud.

En Europe, Microsoft est au cœur de deux enquêtes de la commission européenne, la première autour du bundling de Teams dans Office, la seconde autour des ventes liées dans le cloud suite à des plaintes d’OVHcloud, de NextCloud et du CISPE.

Parallèlement, en juin dernier, Google a porté plainte contre Microsoft et Oracle auprès de la FTC américaine pour pratique anticoncurrentiels accusant ses concurrents de « chercher à enfermer les clients dans leurs écosystèmes… et obliger leurs clients à adopter un modèle monolithique de cloud ».

Alors forcément, avec de tels contextes, la lecture de l’étude sonne comme une diatribe contre Microsoft. Et celle-ci ressemble bien trop à des pratiques marketings pour entretenir une guerre de plus en plus ouverte entre les deux éditeurs (rappelons que Satya Nadella a récemment témoigné contre Google dans le procès pour position monopolistique sur le moteur de recherche Web) pour être prise au sérieux.

Des pratiques dans l’ADN de Microsoft …

Le problème, c’est que la vente liée et le bundle sont dans l’ADN même des acteurs américains. C’est vrai de Microsoft, c’est sûr, mais c’est aussi vrai d’Apple (les services préinstallés sur ses écosystèmes) comme de Google (les services préinstallés sur Android et Chromebooks). C’est justement contre cet ADN que veut lutter le DMA européen pour forcer à plus de diversité.

Par ailleurs, on ne peut ignorer que les univers clouds de Microsoft, Google et AWS sont des ensembles cohérents comportant des briques intégrées et interconnectées qui, au final, tendent à enfermer le client dans leur écosystème. Et la logique économique de ces approches est justement qu’il coûte moins cher d’opter pour une forme de « lock-in », de dépendance technologique, que de chercher le best of breed. Dit autrement, « tout confier au même fournisseur en acceptant une certaine dépendance coûte moins cher ». Mais, comme le fait l’étude, on peut aussi considérer que s’appuyer sur plusieurs fournisseurs pour faire valoir sa liberté de choix coûte plus cher. Question de points de vue.

… comme de Google et de tous les autres

Il en va ainsi des 3 hyperscalers américains comme de tous les autres hyperscalers et aussi des offres de VMware ou de Nutanix par exemple. Même les européens cherchent de plus en plus à regrouper leurs offres dans des initiatives qui ressemblent quand même un peu aux approches américaines. C’est une vérité commerciale : rentrer dans la place est le plus dur, après il faut en vendre un maximum..

Alors jusqu’à quel point les agressives pratiques commerciales sur le terrain sont elles déloyales à en devenir illégales ? Le déterminer est tout l’objectif des actions en cours.

Et ce n’est pas cette étude – qui confond analyse et diatribe – qui changera la donne.


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