Les Skyrmions, une nouvelle piste pour stocker, transférer et exploiter de la donnée à moindre coût énergétique

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Skyrmions : Une informatique moins énergivore grâce à des tourbillons magnétiques

Par Charlotte Mauger, publié le 23 avril 2024

Pour augmenter la puissance des ordinateurs actuels et améliorer leur efficience énergétique, certains misent sur les skyrmions pour coder l’information. Des chercheurs ont récemment amélioré les procédés de création, de lecture et de déplacement de ces nanobulles magnétiques. De quoi les rendre « prochainement » compétitives pour le stockage et le calcul.

Face à la consommation croissante d’énergie des ordinateurs, en particulier depuis que l’on entraîne des modèles basés sur des réseaux de neurones artificiels, des chercheurs réfléchissent à d’autres manières de stocker et traiter l’information. Dans leur viseur, les skyrmions s’imposent comme des candidats prometteurs. Récemment, deux publications ont fait état d’avancées importantes permettant de les utiliser comme dispositif de mémoire : des scientifiques viennent de montrer que les skyrmions peuvent être lus et créés électriquement, ainsi que déplacés à une vitesse suffisante pour les rendre exploitables dans un traitement numérique.

On appelle skyrmions les « endroits » dans un matériau magnétique (comme le fer ou le cobalt) où l’aimantation se retourne et s’enroule. « On peut voir cela comme une petite bulle de quelques nanomètres de diamètre dont l’aimantation ressemble à un tourbillon magnétique », décrit Olivier Boulle, chercheur au laboratoire Spintec de Grenoble (CEA, CNRS, UGA, G-INP). Ces anomalies magnétiques sont remarquablement stables, ce qui fait d’elles des candidates pour stocker de l’information dans le temps. Pour le codage, l’absence de skyrmions constitue un 0, sa présence un 1.

En quête de praticité et de vitesse

Les skyrmions ont plusieurs atouts. Ils sont suffisamment petits (entre 10 nanomètres et 1 micron de diamètre) pour permettre une densité d’information importante, proche et potentiellement meilleure que celle permise par les technologies actuelles. Et « en 2015, nous avons montré qu’il était possible de les stabiliser à température ambiante », raconte le chercheur, alors que précédemment ce n’était possible qu’aux alentours de 11° K (kelvin) soit une température de -262° C.

Depuis, les chercheurs se sont penchés sur d’autres défis à relever avant d’en faire des candidats envisageables à un niveau industriel et commercial. L’un d’entre eux était de trouver comment créer et décoder l’information « facilement ». C’est chose faite de manière récente. « On sait maintenant lire et écrire l’information de manière électrique, annonce Olivier Boulle. En mesurant la résistance de mon dispositif, je peux détecter si j’ai ou non un skyrmion ».
Avantage, ce dispositif est très similaire à celui utilisé pour lire et écrire les M-RAM, ce qui en rendra son industrialisation beaucoup plus rapide.

Autre challenge à relever : augmenter la vélocité d’un train de skyrmions. Jusqu’alors, la vitesse de déplacement maximale de ces nanobulles était de 100 m/s. « C’était trop lent pour espérer être compétitif face aux technologies actuelles », reconnaît le chercheur. Mais grâce à un travail sur les propriétés magnétiques des matériaux, ils ont réussi à gagner un facteur 10 en rapidité. « Et des éléments peuvent être encore améliorés pour aller plus vite », promet-il.

Pour accélérer le déplacement des skyrmions, deux couches fines (de l’ordre du nanomètre) aux aimantations opposées (cobalt et platine) ont été superposées, en étant séparées par une couche « neutre ».


Du stockage au calcul

Et si l’usage des skyrmions ne se limitaient pas simplement au stockage ? « Désormais, on travaille sur l’utilisation des skyrmions pour faire des calculs », dévoile Olivier Boulle. Les chercheurs travaillent désormais sur les interactions entre nanobulles pour réaliser des opérations logiques. « Ce qui nous motive principalement ce sont les calculs neuromorphiques comme la reconnaissance de voix ou d’images. Pour ces applications, nous estimons que la consommation d’énergie pourrait être 1000 fois plus faible qu’avec un ordinateur actuel », complète-t-il.

L’utilisation des skyrmions pourraient ainsi mettre fin à la nécessité d’une architecture séparée entre mémoire et processeur, entraînant du même coup un gain en performance ainsi qu’une meilleure efficacité. Avec cela, s’ouvrirait un panel d’applications où des apprentissages locaux à faible consommation électrique sont intéressants : dans les objets connectés (comme les dispositifs de santé), les dispositifs embarqués ou dans le spatial.

Pour l’heure, ces applications sont loin d’être réalisables sur les dispositifs actuels. Il reste à réaliser une preuve de concept où toutes les avancées réalisées prendraient place : un dispositif pour à la fois écrire, lire, manipuler et déplacer l’information. « C’est ce qu’il manque encore pour nous rapprocher d’une phase d’industrialisation », prévient Olivier Boulle.


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