Comment concilier écoconception et investissements IA pour un impact positif ? La France publie un référentiel pour la sobriété numérique et l'écoconception pendant que l'empreinte carbone des GAFAM dérapent à cause de leurs investissements dans l'IA

Green IT

Sobriété numérique : le colibri et les Gafam

Par François Jeanne, publié le 18 juin 2024

À quoi bon jouer le colibri de la fable, qui tente d’éteindre le feu de forêt, si les éléphants d’à côté allument sans cesse d’autres foyers d’incendie ? La publication d’un référentiel de l’écoconception des services numériques par l’Arcep et l’Arcom fait sens, mais elle pèse peu face aux mauvaises pratiques des géants de la Tech, les GAFAM, dont les investissements IA pèsent sur leur sobriété numérique.

La bonne volonté de certains peut-elle suffire face au cynisme des autres ? C’est toute l’ambiguïté d’une époque sans doute charnière qui voit, d’un côté, l’Arcep et l’Arcom publier, en lien avec l’Ademe, un référentiel général de l’écoconception des services numériques – qui n’engagera guère que ceux qui y croient –, et de l’autre un Microsoft annoncer une forte augmentation de ses émissions de GES.

Les premiers nommés sont en tout cas cohérents dans leur démarche. Pour rappel, c’est la Loi relative à la réduction de l’empreinte environnementale du numérique (REEN) qui leur avait confié la définition du contenu de ce référentiel. L’objectif affiché est de réduire, dès leur conception, l’empreinte environnementale des services numériques tels que les sites web, plateformes vidéo, applications, ou encore outils d’intelligence artificielle. Dévoilé le 17 mai dernier, en présence de Marina Ferrari, secrétaire d’État chargée du numérique, ce référentiel propose pas moins de 78 critères pour engager une démarche d’écoconception et suivre son avancement. Chacun d’entre eux est accompagné d’une fiche pratique précisant ses modalités de mise en œuvre et de validation.

Un score pour calculer sa maturité

Les publics visés sont les éditeurs, les fournisseurs et les développeurs de services numériques. Ils ne sont qu’invités, et non contraints, à suivre les recommandations du document. Mais les professionnels du numérique peuvent ainsi construire leur stratégie de prise en compte des enjeux environnementaux lors du développement d’un service numérique, et en rendre compte en publiant une déclaration d’écoconception.

Une version anglaise du référentiel sera diffusée au niveau international pour alimenter les travaux d’autres États, de la Commission européenne et de divers acteurs économiques transnationaux. On lui souhaite un meilleur destin que celui de SecNumcloud…


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Pour rappel, une étude de l’Ademe et de l’Arcep en 2023 avait calculé que, sans action pour limiter la croissance de l’impact environnemental du numérique, son empreinte carbone pourrait tripler entre 2020 et 2050. Funeste prévision, hélas réaliste.

Il suffit pour s’en convaincre de lire le dernier bilan publié par Microsoft, qui fait ressortir pour 2023 un bond de 20 % de ses émissions carbone par rapport à 2022, après une baisse de 2 % enregistrée l’année précédente.

Selon l’éditeur, qui s’est pourtant engagé à atteindre la neutralité carbone, cette explosion serait due principalement à ses émissions indirectes du Scope 3 (intégrant les investissements, les déchets, le transport) qui représentent plus de 96 % du total… sauf que ses propres émissions Scope 1 + 2 augmentent de 26 % !

Les principaux « contributeurs » à cette catastrophe écologique sont la construction et l’approvisionnement de datacenters pour répondre à la demande des clients en matière de services cloud, mais aussi anticiper les besoins en IA.

Ce qui n’empêche pas la firme de Redmond de continuer à espérer : « Cette année, des technologies comme l’IA ont renouvelé la promesse du rôle que l’innovation peut jouer dans l’accélération du progrès. De l’amélioration des mesures à l’augmentation de l’efficacité des datacenters et à l’amélioration du transport de l’énergie, la technologie peut être un puissant accélérateur du rythme et de l’échelle dont le monde a besoin pour atteindre la neutralité carbone. »

Peut-être, mais en attendant et pour rester concret, « le prochain arrêt du support de Windows 10 va envoyer des centaines de millions de PC à la poubelle », fait remarquer l’auteur et conférencier Tristan Nitot sur LinkedIn. Autant d’émissions de carbone en plus – et dans quelle proportion ! – pour fabriquer leurs remplaçants !


Les quatre priorités associées au référentiel général d’écoconception des services numériques

1 – Allongement de la durée de vie des terminaux, en luttant contre l’obsolescence et en s’assurant que les services soient utilisables à partir de n’importe quel appareil, notamment les plus anciens.

2 – Promotion d’une démarche de sobriété environnementale face aux stratégies de captation de l’attention de l’utilisateur par des contenus multimédias se déclenchant automatiquement.

3 – Diminution des ressources mobilisées sur le cycle de vie du service numérique. Cet objectif peut impliquer des contenus multimédias (vidéo, images) plus efficients, l’utilisation d’un hébergement responsable, ou la minimisation des impacts environnementaux associés à l’entraînement des systèmes d’IA.

4 – Accroissement du niveau de transparence sur l’empreinte environnementale des services numériques.

Le Référentiel Général d’écoconception de services numériques est à télécharger ici :
Référentiel général d’écoconception de services numériques (RGESN) – V1


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