Opinions
Social Business : une méthodologie à réinventer ?
Par La rédaction, publié le 21 mai 2013
Un certain nombre de méthodologies pour accompagner le changement existent déjà dans des secteurs très divers. Rien ne sert de réinventer la roue. Inspirons nous de ce qui existe déjà autour de nous, dans le secteur médical par exemple.
Les articles ne manquent pas depuis l’annonce de Gartner expliquant que seulement 10 % des projets collaboratifs produisent de la valeur (après les 80 % d’échec). Visiblement la potion est un peu amère et a du mal à passer. Faut-il jeter l’eau du bain avec le bébé, ou peut-être repenser l’accompagnement ?
Des méthodologies qu’on ne peut ignorer
Finissons en rapidement avec ce mythe, installer un réseau social d’entreprise ou une digital workplace(1) ne suffit pas à faire du collaboratif, donc que faire ?
Les ressorts des projets social business ne reposent pas sur les mêmes fondamentaux que les applications du type ERP. Et tout s’accorde à dire que la conduite du changement traditionnelle n’est pas du tout adaptée. Mais les cabinets qui ont mis en place ces méthodologies persévèrent et tentent de faire du neuf avec du vieux.
Pendant ce temps-là, d’autres pensent que de nouveaux modèles à venir sont nécessaires pour mettre en place des pratiques collaboratives. Les tenants de ce discours sont souvent issus du monde des SSII et ils ont été pionniers sur ces sujets. La vision outil prévalait à l’époque, et ils ont senti un besoin d’évolution dans les approches. Je reste pour ma part dubitatif sur leur vision visant à chercher le graal dans une nouvelle méthodologie de projet (on est le produit de son histoire). Le problème ne se pose pas dans ces termes. Il n’est pas question de gestion de projet, mais de transformation des organisations, des manières de voir le management, de leadership et de mise à plat des processus business (on est loin du conversationnel pour le conversationnel, comme on le voit encore trop souvent).
Le livre blanc de Cécil Dijoux montre bien qu’une littérature abondante existe déjà autour de ces problématiques et que, bien souvent, elle est méconnue par les experts du social business qui ne sont pas issus du monde du conseil en management. Dans ce cas, une partie de ces principes théoriques doivent être adaptés afin de les rendre plus « sociaux » en pratique. Cependant pourquoi se limiter aux grands principes issus des écoles de management ?
L’adhérence au social business, une problématique à part entière
Les enquêtes montrent que 70 % des salariés sont totalement désengagés de leur entreprise et viennent donc plus ou moins « pointer » au bureau. Ces résultats ne peuvent être ignorés. Sans engagement, aucune chance que le collaboratif fonctionne. La réponse des praticiens est généralement celle-ci : montrons aux collaborateurs ce qu’ils ont à gagner et ils adhèreront au changement. Deux problèmes majeurs contredisent cette vision.
D’abord, l’effort est souvent concentré au début du projet de transformation, alors cette démarche se passe sur le long terme. L’effort d’accompagnement se relâche rapidement et donc l’adhésion aussi (utiliser un outil ne revient pas à changer de comportement loin s’en faut).
Ensuite, c’est méconnaître l’impact traumatisant que peut avoir un changement profond, une rupture. C’est le cas, avec le changement culturel qu’impose le social business. Catherine Ertzscheid, qui a aussi travaillé en sciences sociales autour de questions médicales, fait le même constat que moi d’après notre dernière discussion : un changement, aussi important soit-il pour la personne, peut être rejeté pour un détail, car trop dur à accepter. Dans le cadre d’une pathologie grave, même si la non-prise du traitement peut engendrer la mort, un certain nombre de patients ne suivent pas correctement le traitement. Sans rentrer ici dans les questions liées au déni, ou mettre totalement sur le même plan les deux problématiques, les gains immédiats à suivre la prescription sont évidents, et pourtant… Penser que le changement ne repose que sur une approche purement rationnelle est une erreur. Si on part du principe que le collaboratif implique le volontariat, la décision d’adhérer au changement repose sur tout un tas de facteurs subjectifs, loin du tableau des plus et des moins.
Si la maîtrise des concepts de management et de transformation des organisations est un préalable, se tourner vers d’autres sciences pour trouver des réponses, notamment celles concernant l’adhérence à des protocoles par des personnes non consentantes est une piste à ne pas négliger avant de vouloir à tout pris réinventer la roue.
(1) écosystème de plates-formes d’entreprise et des services qui permettent aux gens de travailler, collaborer, communiquer, développer des services et des produits. Elle est multi-dimensionnelle.
Anthony Poncier
Anthony Poncier