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Télétravail et indemnité d’occupation du domicile, par Pierre-Randolph Dufau, avocat à la cour et fondateur de la SELAS PRD avocats
Par Adrien Geneste, publié le 20 janvier 2014
LES FAITS
Un salarié demande à son employeur le paiement d’une indemnité d’immixtion dans sa vie privée, puisqu’il accomplissait partiellement des tâches professionnelles à son domicile. L’employeur s’oppose à cette demande, arguant que des locaux professionnels étaient à la disposition du salarié. La Cour de cassation donne raison à l’employeur (Cass. soc., 4 décembre 2013, n° 12-19667).
Que dit la jurisprudence ?
Le principe de l’indemnisation de l’occupation du domicile à des fins professionnelles a été posé par la jurisprudence en ces termes : « L’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci. (…) Si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière. » (Cass. soc., 7 avril 2010 n° 08-44865). Attention, il convient de distinguer cette indemnité du remboursement des frais engagés par le salarié pour effectuer ses tâches à son domicile, également à la charge de l’employeur.
Télétravail ou travail à domicile ?
Le travail à domicile tel que visé en l’espèce et dans la jurisprudence relative à l’indemnité d’occupation du domicile fait référence à des situations de fait où un salarié, par des modalités tacitement acceptées ou imposées par l’employeur, effectue une partie de ses tâches professionnelles depuis son domicile. Cette situation ne doit pas être confondue avec celle du télétravail, les deux pouvant néanmoins se cumuler. Le télétravail est une forme d’organisation pour laquelle le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC) est une condition essentielle et nécessaire (art. L. 1222-9 et s. du code du travail). Effectué hors des locaux de l’employeur, il peut revêtir plusieurs formes : nomade, en centre de proximité ou à domicile. Peu de décisions visant explicitement le télétravail, on peut s’interroger sur l’application de la présente jurisprudence au télétravail à domicile.
Quand l’indemnité est-elle due ?
La contrepartie pécuniaire exigée vise à compenser la contrainte liée à l’installation des dossiers et à la transformation d’une partie de son domicile en bureau. La Cour de cassation considère d’ailleurs que cette indemnité n’est pas due dès lors que le salarié peut également utiliser les locaux professionnels mis à disposition par son employeur. L’arrêt commenté précise que « l’occupation à des fins professionnelles du domicile du salarié relevait d’une simple faculté qui lui était offerte ». Le télétravail repose en effet sur un accord de volonté et ne peut être imposé au salarié.
On pourrait dès lors considérer que l’indemnisation au titre de l’occupation du domicile, dont le fait générateur réside dans la contrainte imposée par l’employeur, n’aurait pas lieu d’être en cas de télétravail. De surcroît, ni les accords conclus par les partenaires sociaux, ni la loi du 22 mars 2012 encadrant le télétravail ne font référence à cette indemnité d’occupation du domicile.
Ce qu’il faut retenir
L’indemnité d’occupation du domicile n’est due qu’en cas de contrainte imposée au salarié et faute de local professionnel mis à sa disposition. Pour éviter toutes difficultés en cas de recours au télétravail à domicile, l’employeur devrait permettre au salarié l’utilisation de locaux professionnels.