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TOP500.org : l’Europe place 2 supercalculateurs dans le Top 5…
Par Laurent Delattre, publié le 24 novembre 2022
L’Europe n’est pas encore prête à entrer dans l’ère exascale. Elle refait néanmoins son retard en matière de ressources HPC et place deux supercalculateurs en haut du célèbre classement TOP500.org.
La soixantième édition du classement des ordinateurs les plus puissants de la planète publié par l’organisme « TOP500.org » révèle bien peu de surprises et bouleversement. Ainsi, le supercalculateur Frontier reste seul en tête du classement, car seul à l’ère de l’exascale. Entré en juin dernier dans le classement, Frontier est le premier supercalculateur exaflopique officiellement opérationnel. Construit par Cray HPE (rappelons que HPE a racheté Cray en 2019) sur une base Cray EX235a, il est animé par des processeurs AMD Epyc 64 cœurs et totalise 8 730 112 cœurs de calculs !
Où sont les Chinois ?
Cette présence « seul en tête » – parce que largement au-dessus de ses poursuivants – témoigne non seulement du retard pris par l’Aurora américain (le HPC de l’Argonne National Laboratory construit par Cray HPE à base de processeurs Intel Xeon Max et de GPU Intel Max Series qui devrait atteindre les 2 exaflops) mais aussi du manque de transparence de la Chine qui n’a toujours pas soumis aux tests son Sunway Oceanlite (donné comme ayant une performance de 1,05 exaflops avec des pics à 1,3 exaflops) inauguré en mars 2021.
Le Sunway Oceanlite reste – comme souvent concernant les capacités de calcul de l’empire Chinois – un grand mystère. Il est le successeur du fameux (mais vieillissant) Sunway TaihuLight qui a longtemps dominé le classement et figure désormais en 7ème position malgré ses 10 millions de cœurs (issus des processeurs RISC hybrides de Sunway) !
Selon la rumeur – et ce que l’on peut comprendre entre les lignes des publications du centre national de supercalculs de Wuxi – l’Oceanlite embarquerait 40 millions de cœurs. Il est notamment utilisé pour exécuter un super émulateur quantique puisque Wuxi se vante dans une communication d’avoir réduit le temps d’exécution du test de suprématie quantique du Google Sycamore à 304 secondes (là où IBM estime qu’il faut 2,5 jours pour ce même test sur le Summit, 5 ème HPC au monde).
La Chine disposerait même d’un second supercalculateur exaflopique en construction depuis la fin 2019 et qui aurait atteint sa taille opérationnelle l’an dernier : le Tianhe-3, lui aussi suspecté de grimper jusqu’à 1,3 exaflops, basé sur des processeurs ARM « FeiTeng » de Phytium.
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L’Europe relève la tête
Mais revenons au classement officiel. En seconde position figure toujours le fameux Fugaku japonais, leader du classement en 2020 et 2021 construit par Fujitsu. Ses 7,6 millions de cœurs de calcul lui procurent une performance de 537 Pétaflops pour une consommation de 29 Mégawatts, soit trois fois moins de performance que le Frontier alimenté avec 21 Mégawatts.
De quoi mettre en exergue les performances du troisième HPC de ce classement, et le premier Européen. Conçu par HPE (avec des CPU AMD Epyc et des GPU AMD MI250X) pour le CSC finlandais dans le cadre du programme EuroHPC, le LUMI n’est pas si loin en termes de performances (avec un Rpeak à 309 Pétaflops) mais bien moins gourmand en énergie puisqu’il reste dans une enveloppe de 6 Mégawatts « seulement ».
La vraie surprise du classement est également européenne. Avec son Leonardo, construit par Atos sur une base BullSequana XH200 (à base de Xeon Platinum et de GPU NVidia A100), le CINECA Italien dispose ainsi du 4ème HPC mondial.
Le premier HPC français, le Adastra (un Cray HPE combinant des CPU AMD Epyc 64 cœurs et des GPU AMD MI250X) est installé au grand équipement national de calcul intensif de Saclay (GENCI-CINES). Destiné à l’enseignement supérieur, il dispose de 319 072 cœurs de calcul et atteint les 61 Pétaflops en pic dans une enveloppe énergétique de 921 kW.
À retenir également
Parmi les autres enseignements du classement on retiendra la présence dans le TOP 15 d’un HPC placé dans le cloud public, en l’occurrence celui de Microsoft Azure. Le « Voyager-EUS2 » à base de processeurs AMD Epyc 48 cœurs et de GPU NVIDIA A100 est principalement utilisé pour animer de gigantesques modèles IA. Il arrive en 14ème place du classement TOP500. Microsoft Azure classe également 4 autres HPC dans le Top 50 : le Pioneer-EUS (40ème position), le Pioneer-SCUS (41ème position), le Pioneer-WUS2 (43ème position) et l’Européen Pioneer-WEU (dans les datacenters aux Pays-Bas d’Azure, en 42ème position).
AMD s’impose comme le choix privilégié dans la construction des HPC grâce à l’excellent rapport performance/consommation électrique de ses EPYC. Mais Intel revient en force puisque ses Xeon reviennent dans le TOP 5 avec le Leonardo et équiperont le futur Aurora exaflopique.
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Parallèlement au classement TOP500, l’organisme publie également un classement GREEN500 des HPC les plus efficients, où la performance par Watts l’emporte sur la performance pure. À ce petit jeu, le Frontier perd ses deux premières places. Certes le Frontier TDS (rack expérimental du Frontier sur lequel sont étudiées différentes optimisations) s’affiche en seconde position (il était n°1 en juin). Mais le vrai Frontier rétrograde lui en 6ème place.
Le Green500 est désormais dominé par le très modeste HPC américain Henri du Flatiron Institute (à base de Xeon Platinum et NVidia H100). S’il ne figure qu’en 405ème position du TOP500 avec ses 2 Pétaflops, il affiche un coefficient d’efficacité de 65 TFlops/Watt !
Le Adastra français (11 ème du TOP500) se place en 3ème position et monte directement sur le podium du Green500 avec son coefficient d’efficacité mesurée à 58 TFlops/Watt !
Le prochain classement attendu en juin 2023 sera à suivre avec attention alors que le Japon et l’Europe veulent entrer dans l’ère exascale, que la Chine ne pourra éternellement masquer sa position et que les USA auront au moins un autre système exaflopique.
Le classement TOP500 : November 2022 | TOP500
Le classement GREEN500 : November 2022 | GREEN500