Gouvernance
Twitter pourrait être banni de l’Union européenne dès cet été
Par Thierry Derouet, publié le 29 mai 2023
Le ton monte entre Elon Musk, l’Union européenne et le gouvernement français au point où le ministre français délégué au numérique, Jean-Noël Barrot, a déclaré que Twitter pourrait être banni de l’Union européenne si le réseau social ne se conforme pas à ses règles.
En fin de semaine dernière, Thierry Breton, le commissaire européen à l’Industrie, a annoncé sur le réseau social que Twitter, dirigé par Elon Musk, a choisi de se retirer du code de bonnes pratiques de l’UE contre la désinformation en ligne.
Lancé en 2018, le code européen de bonnes pratiques regroupe 38 signataires, dont des géants comme Meta, Google, Twitter, Microsoft, TikTok, mais aussi de plus petites plateformes, ainsi que des professionnels de la publicité, des fact-checkeurs et des ONG. Les signataires ont eux-mêmes participé à la rédaction du texte, qui contient une quarantaine d’engagements visant notamment à mieux coopérer avec les fact-checkeurs et à priver de publicité les sites diffusant des infox.
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Bras de fer entre Elon Musk et Thierry Breton
Elon Musk – qui s’autodéfinit comme un “free speech absolutist” (un absolutiste de la liberté d’expression) considère que le code européen des bonnes pratiques est superflu. Selon lui, sa communauté serait capable de combattre la désinformation en ligne. Le retrait de Twitter n’a pas surpris les services de Thierry Breton. Depuis l’acquisition du réseau social il y a six mois, le milliardaire Elon Musk est accusé d’avoir assoupli la modération des contenus problématiques et est soupçonné d’avoir amplifié la portée de propagateurs notoires de désinformation sur la plateforme.
Toutefois, et pour la défense d’Elon Musk – même si l’intéressé s’en serait bien passé -, Twitter aurait parallèlement, depuis la passation de pouvoir, approuvé 83% des demandes de censure émanant de “gouvernements autoritaristes”, selon El Pais, soit deux fois plus que sous l’ancienne direction. Elon Musk a affirmé que, dans ces cas, Twitter “n’avait pas d’autre choix”.
Cela signifie-t-il pour autant qu’il en a fini avec les règles européennes ? Certes, il a le choix de se retirer des accords “Code of Practice” de l’Union Européenne. Mais comme l’a averti Thierry Breton dans un tweet, « Les obligations demeurent. Vous pouvez fuir mais vous ne pouvez pas vous cacher » (“But Obligations remain. You can run but you can’t hide”), faisant ouvertement référence au nouveau Digital Services Act (DSA).
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Twitter pourrait être banni de l’UE
Interrogé aujourd’hui, Jean-Noël Barrot, s’adressant à nos confrères de France Info, a déclaré : « Twitter joue un rôle important dans le débat public, mais nous ne pouvons pas prendre le risque qu’un réseau social tel que Twitter se laisse prendre en otage par les partisans de la désinformation et que, par conséquent, notre débat public, notre démocratie soit affecté. C’est la raison pour laquelle nous avons établi des règles claires. Et il faudra que Twitter s’y conforme ».
Et de rappeler : « Jusqu’à présent, les réseaux sociaux n’étaient soumis à aucune obligation. Grâce à un règlement que la France a promu l’année dernière sous l’impulsion du président de la République, nous allons changer la donne. Nous allons faire entrer les réseaux sociaux dans une ère de responsabilité. Nous ne leur demanderons pas de se porter garants de tous les messages qui circulent sur leurs plateformes, car cela serait vain et constituerait une atteinte à la liberté d’expression. Cependant, nous exigerons d’eux qu’ils prennent un certain nombre de mesures et mettent en place des garde-fous pour que les contenus illicites soient retirés de leurs plateformes dans les plus brefs délais, afin d’empêcher la désinformation de prospérer. Je souhaite que Twitter puisse se conformer aux nouvelles règles que nous avons adoptées d’ici le 25 août, sinon Twitter ne sera plus le bienvenu en Europe ! »
« La France ne doit pas se laisser distancer dans la maitrise de l’IA»
Ce jour, Jean-Noël Barrot a exprimé des préoccupations concernant la future réglementation européenne en matière d’intelligence artificielle (IA), l’« IA Act », actuellement en discussion : « il faut réguler intelligemment et efficacement ». À ce stade, la position que le parlement européen a prise sur le règlement sur l’intelligence artificielle est excessive. Il est impératif pour nous de disposer dans les mois qui viennent d’autres modèles que ceux qu’ont développés les géants américains ».
Selon le ministre, dans son état actuel, cette réglementation impose des obligations d’audit et de transparence qu’il considère comme excessives pour des modèles tels que ChatGPT. Selon le ministre délégué, les grands acteurs américains de la Tech sont engagés dans une course effrénée où nous ne devons pas nous laisser distancer, sous peine de nous enfermer dans des décennies de dépendance technologique. « Il est essentiel que nous restions dans la course, tout en donnant un cadre au développement de l’Intelligence artificielle », a-t-il insisté. Il a souligné qu’il est, selon lui, « impératif que nous puissions nous doter de ces outils, sans quoi nous serons dépendants des outils produits ailleurs. Ce sont des domaines stratégiques, tant civils que militaires. »
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