Microsoft a mis au point une technique de virtualisation des qubits physiques en qubits logiques 800 fois plus fiables.

Newtech

Un pas de plus vers une informatique quantique fiable…

Par Laurent Delattre, publié le 04 avril 2024

Microsoft et Quantinuum ont annoncé cette semaine avoir mis au point une technique de virtualisation des qubits physiques permettant de créer des qubits logiques 800 fois moins propices aux erreurs et donc un ordinateur quantique plus fiable.

Quoiqu’en dise le marketing américain des pionniers de l’informatique quantique, cette dernière est encore très loin de trouver sa place dans les datacenters des entreprises et dans les workloads en production. Qu’ils le concèdent ou pas, tous les acteurs du marché en sont encore à différents stades de recherches fondamentales pour délivrer des qubits réellement utilisables et déployables à l’échelle.

Par ailleurs, l’informatique quantique impose aussi de réinventer toute la stack informatique du qubit à l’application en passant par les processeurs, les bus photoniques, les interconnexions réseaux, les outils de développements, les algorithmes, les frameworks, etc… C’est d’ailleurs pour cela que de nombreuses voix s’élèvent pour que communautés de chercheurs et entreprises s’y intéressent dès à présent, afin d’avancer un peu sur tous les fronts en même temps.

Le principal frein à cette quête de l’informatique quantique réside dans la nature même de la physique quantique. Les Qubits sont par nature extrêmement sensibles aux infimes perturbations de leur environnement engendrant leur décohérence et des erreurs de calcul. Dit autrement, toutes les machines actuellement fabriquées ont du mal à exécuter des algorithmes durant plus de quelques millisecondes et même sur des algorithmes simples les résultats sont bien trop souvent faux pour un usage pratique.


À LIRE AUSSI :


Désormais, la course que se livrent les deeptechs du quantique – comme les Français Pasqal, Quandela ou Alice&Bob et les gros bras comme IBM, Quantinuum, D-Wave ou IonQ – est bien moins une course au nombre de qubits qu’une course à la profondeur des algorithmes et à la fiabilité des calculs.

Parmi les pistes poursuivies : utiliser plusieurs qubits physiques instables pour concrétiser un qubit logique fiable. Un principe plus facile à dire qu’à réaliser d’autant que plus on multiplie les qubits plus on génère de perturbations dans le système et plus on perd en fiabilité.

C’est justement dans ces techniques de création de « Qubits Logiques » que Microsoft et Quantinuum ont annoncé cette semaine une innovation dans le vaste domaine de la « correction quantique ». En bons acteurs américains, ils n’hésitent pas à la qualifier de « major breakthrough », comprenez « percée majeure »… Un terme que l’on retrouve ces derniers mois systématiquement dans tous les communiqués publiés autour de la fiabilité quantique.

L’équipe de Microsoft Research a travaillé avec Quantinuum et ses machines H2 à base de qubits à ions piégés pour élaborer un nouveau mécanisme de virtualisation des qubits.

L’approche imaginée par Microsoft consiste à combiner – à l’aide de différentes techniques – 30 qubits physiques en 4 qubits logiques « extrêmement » fiables.

Fiables jusqu’à quel point ? Fiables au point d’avoir pu exécuter 14 000 expériences quantiques consécutives sans rencontrer la moindre erreur. Oui, c’est très probablement un record.

Plus prosaïquement, les chercheurs expliquent que leur technologie de virtualisation permet de réduire le taux d’erreur entre un qubit logique et un qubit physique par un facteur variant de 4,7 à 800. Dit autrement, leur qubit logique se montre jusqu’à 800 fois plus fiable que le qubit physique de la machine.

Et Microsoft d’expliquer que cette innovation permet déjà d’entrevoir la fin de l’ère des machines NISQ et d’entrer dans le niveau 2 de l’informatique quantique, celle des ordinateurs quantiques résilients. C’est certainement aller un peu vite en besogne. Les chercheurs ne cachent pas que le chemin est encore très long. « Grâce à ces résultats, nous avons démontré que les processeurs quantiques actuels sont déjà capables de réduire les taux d’erreur dans les petits circuits grâce à la correction quantique des erreurs. Les travaux futurs se concentreront sur l’extension de ces résultats à un ensemble plus riche de gadgets logiques tolérants aux fautes, et pour finalement permettre une informatique quantique universelle tolérante aux fautes tout en continuant à réduire les taux d’erreurs logiques réalisables. Une étape importante sera la démonstration d’une famille universelle de circuits quantiques avec des taux d’erreur logique approchant 10-8.

D’ailleurs, la véritable innovation n’est pas forcément à chercher dans les chiffres eux-mêmes. L’équipe de Microsoft Research a développé une technique qui permet d’effectuer « une extraction active du syndrome », autrement dit de diagnostiquer une erreur et la corriger sans détruire dans ce processus le qubit logique ! Ça n’a l’air de rien, mais c’est bien là que réside aujourd’hui l’essentiel du problème de correction d’erreurs dans le monde quantique. « Ce résultat marque la première étape dans la capacité à corriger les erreurs sans détruire les qubits logiques et constitue une étape fondamentale dans la correction quantique des erreurs », expliquent les chercheurs de Microsoft.

Bref, percée majeure ou pas, on reste toujours très loin de disposer d’ordinateurs quantiques fiables et utiles. Mais les travaux de Microsoft ouvrent des pistes que d’autres chercheurs ne manqueront pas de suivre pour les adapter à d’autres technologies de qubits et continuer de progresser dans la quête de machines quantiques vraiment utilisables en entreprise… Un horizon qu’IBM a placé vers 2030 sur sa dernière roadmap.

YouTube

En chargeant cette vidéo, vous acceptez la politique de confidentialité de YouTube.
En savoir plus

Charger la vidéo

Pour en savoir plus :
[2404.02280] Demonstration of logical qubits and repeated error correction with better-than-physical error rates (arxiv.org)

À LIRE AUSSI :

À LIRE AUSSI :

Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights