Opinions
Vers la fin des hackathons ?
Par La rédaction, publié le 25 juin 2013
Le principal défi que doit relever le hackathon, c’est le lendemain de fête. Ce type d’événement ne pourra jamais être l’alpha et l’omega de cette innovation ouverte que nous aimerions tous voir jaillir en un week-end.
Dans un contexte où l’innovation est de plus en plus guidée par la contrainte du temps court et la rareté des ressources, le hackathon promet beaucoup pour les entreprises. Ce format d’innovation permet, notamment, de faire appel à des communautés extérieures à l’entreprise pour bidouiller en un temps limité une solution informatique composée d’un assemblage d’éléments divers. On retrouve ici l’approche de l’innovation telle qu’elle ressort des réflexions de Francis Pisani : « Les innovations sont toujours le résultat d’assemblages improbables à partir d’éléments souvent connus. » Car innover, c’est d’abord bidouiller.
Le hackathon est ainsi l’occasion d’affirmer que l’innovation est toujours plus agile ailleurs que dans l’entreprise, d’autant plus si elle s’inscrit dans un cadre ouvert et collaboratif. Le groupe Casino, SNCF, la RATP, Orange, British Airways, l’éditeur américain HarperCollins et même le Pentagone en ont fait l’expérience. Cet accélérateur d’innovation par l’intelligence collective suffit-il ? Pas sûr. Car ce qui en sortira sera, au mieux, un prototype fonctionnel innovant dont il faudra continuer le développement au-delà d’un week-end, et au pire, un produit bien designé, mais totalement déconnecté d’un réel besoin. D’où cette impression grandissante que le format du hackathon commence à s’essoufler.
Faire vivre l’open innovation au-delà d’un week-end
Cette phase peut prendre des formes diverses. Elle devra, a minima, durer plusieurs semaines et offrir aux équipes l’occasion que leur création soit challengée par des mentors sur le plan du concept, de l’architecture technique, du design, de l’expérience utilisateur ou du modèle économique. En ce sens, l’Immersion Programme mis en place par l’Open Data Institute de Londres est symptomatique de ce renouvellement progressif du hackathon en tant que déclencheur d’innovation plutôt qu’aboutissement.
Au-delà de la remise en cause nécessaire du hackathon comme processus, il s’agit aussi de repenser les résultats attendus de ce dispositif. L’intérêt pour les hackathons et les applications mobiles est devenu l’arbre qui cache la forêt, comme si le premier ne pouvait produire que le second. Au point qu’on pourrait imaginer un jour un « hackathon sans applications » où la seule règle serait de développer tout… sauf une application.
C’est d’ailleurs tout le sens des origines du hacking de regarder un système et commencer à l’utiliser d’une façon différente de ce qui était prévu, pour reprendre les termes de Daniel Domscheit-Berg, le fondateur d’Open Leaks. Toujours à l’Open Data Institute, on peut ainsi découvrir cette « Vending Machine », distributeur de paquets de chips qui ne s’active pas lorsqu’il reçoit une pièce de monnaie, mais lorsque le flux d’actualité de la BCC publie un article mentionnant la récession ou la crise économique.
Le hackathon peut aussi devenir un accélérateur de transformation interne. Il est souvent un grand moment de mobilisation pour les organisations qui en sont à l’origine. La crainte de reconnaître que l’innovation peut venir d’ailleurs ou d’exposer une partie de son patrimoine informationnel dans le cadre d’une démarche open data va alors de pair avec des attentes extrêment fortes pour ce qui sera produit en un week-end.
Le hackathon brouille les repères traditionnels de l’innovation fermée qui imprègne encore la culture organisationnelle de nombreuses entreprises. Mais passé le week-end, le hackathon va permettre de faire la preuve de faisabilité de l’innovation ouverte, il va révéler tout le potentiel d’une démarche de collaboration avec des partenaires externes. Le hackathon devient alors un levier puissant d’évangélisation interne dans l’entreprise.